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FAURE ÉLIE (1873-1937)

Une étude comparative de l'art

Si l'histoire de l'art n'est plus linéaire, celui qui la décrit peut ici juxtaposer des œuvres que le temps sépare. Élie Faure procède ainsi comparativement ; il rapproche les civilisations et les systèmes symboliques en établissant des analogies que seul un regard exercé est capable d'instaurer. C'est pourquoi il faut souligner le rôle prépondérant qu'Élie Faure a accordé aux illustrations qu'il a lui-même choisies. Il a ainsi créé le type de livre d'art qui sera désormais le plus diffusé : celui où le commentaire s'accompagne d'une reproduction de l'œuvre décrite, où la juxtaposition de deux photos justifie l'audace d'un rapprochement que nul ne pouvait tenter sans disposer de cette culture d'images. Ainsi Élie Faure procède-t-il d'une double manière dans son écriture : d'une part il analyse une œuvre en elle-même, puis il la rapproche de données historiques ou culturelles très inattendues. Dire que l'examen est lyrique, c'est trop peu ; il est descriptif, mais toujours il tente d'épouser le souffle qui anime la forme ou l'image. Ce n'est donc pas le détail ou la valeur symbolique qui importe, c'est le jeu des forces vitales. Élie Faure n'a donc pas une méthode analytique, il se laisse emporter par son inspiration. En ce sens, il prolonge la lignée des critiques d'art français pour qui l'intuition et le diagnostic l'emportent sur les constructions rationnelles comme celles qu'opèrent les historiens d'art allemands.

À ce regard centré sur l'œuvre singulière s'ajoute un regard cavalier sur l'ensemble de la culture : dans une page d'Élie Faure, on trouve tous les grands noms de l'Orient et de l'Occident. Ce sont donc des rapprochements saisissants où l'œuvre n'est souvent qu'un prétexte à des variations sur toutes les valeurs morales et esthétiques. Ici l'histoire de l'art fait place à l'histoire des civilisations. André Malraux opérera les mêmes glissements.

Élie Faure aura ainsi accompli un parcours complet dans l'histoire de l'art, ne négligeant aucune de ses manifestations. Il aura défini selon son propre système chacun des arts qu'il a commentés : « architecture, art des rythmes rationnels », « peinture, art individuel et imaginatif ». Tous connaissent leur pays d'élection, leur milieu géographique le plus favorable, leur époque d'apogée. Ainsi, la France a été le pays de l'architecture du xie au xviie siècle, quand l'ordre et l'organisation l'emportaient sur l'individualité et l'imagination ; la modification de la société française a entraîné le triomphe de la peinture. Élie Faure est sorti du cadre rigide de l'art occidental ; il a très bien saisi que l'Afrique et l'Asie avaient elles aussi inventé des formes qui souvent s'apparentaient à celles de notre culture. Le premier, sans doute, il a osé comparer, rapprocher des milieux que l'analogie des formes identifie. Cette curiosité s'est manifestée aussi pour les arts nouveaux, auxquels Élie Faure ne refusait pas la nouveauté, mais auxquels il faisait une place dans son système des formes plastiques. Ainsi, lorsqu'il écrit sur le cinéma, il lui assigne une origine qui, dans sa simplicité même, rappelle la musique ou la peinture « primitive » : ce nouvel art, c'est le mime qui se développe devant nous depuis le geste isolé jusqu'aux compositions de foules animées que l'on « a déjà vues, immobiles, sur les toiles de Greco, de Frans Hals... ».

— Henri PERETZ

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Écrit par

  • : maître de conférences de sociologie à l'université de Paris-VIII

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