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ERWITT ELIOTT (1928-2023)

Elliott Erwitt - crédits : Jean Dieuzaide/ AKG-Images

Elliott Erwitt

Photographe américain, membre de l'agence Magnum depuis 1953, Elliott Erwitt a dépeint ses contemporains avec empathie et malice. Doué d'une rare intelligence des situations, il a su toucher des sentiments universels. Ses images sont directes, immédiatement compréhensibles, sans effets de style apparents. Son appareil photographique l'accompagne à chaque instant. Ses terrains d'observations sont la rue, les musées, la plage ou les jardins publics. Dans son petit théâtre de l'absurde, le chien domestique occupe une place de choix. « Faire rire les gens est une des plus parfaites réussites qu'on puisse espérer » répète-t-il avec modestie. Cette image de dilettante dissimule mal un regard subtil, un humanisme ponctué d'un solide sens de l'humour et de la dérision.

Fils d'émigrés russes, Elio Romano Erwitz est né à Paris le 26 juillet 1928. Jusqu'à l'âge de dix ans, il passe son enfance en Italie. Sa famille rejoint New York en 1939, puis Los Angeles, où il suivra des études de photographie et de documentariste. Durant l'année 1949, ses voyages en Italie et en France marquent le début de sa carrière professionnelle. Recruté par l'armée américaine en 1951, il témoigne de la vie du soldat mobilisé aux États-Unis, en Allemagne et en France. Dans le New Jersey, il réalise le célèbre cliché montrant un soldat américain noir en patrouille tirant la langue au photographe (New Jersey, 1951). Moment de complicité clownesque, l'instant choisi par Elliott Erwitt écarte toute critique politique. Cette posture qui consiste à ne voir que le bon côté des choses, à accorder plus de place à l'individu qu'au groupe ou à la société, deviendra une constance de son œuvre. Chaque individu offre, suivant ses mots, « un gibier de rêve pour un photographe toujours à l'affût de nouvelles images volées ». Ainsi tournera-t-il le dos à ses premières images, empreintes d'un doute existentiel proche de Robert Frank.

Alors qu'il n'a pas de connaissances professionnelles particulières, il rencontre Edward Steichen et Roy Stryker qui le parraineront. Grâce à Robert Capa, il intègre l'agence Magnum en 1953 avant d'en prendre la présidence pendant trois ans à compter de 1968. Portraitiste intimiste, il saisit les visages de Simone de Beauvoir (1952), Marilyn Monroe (années 1950-1960) ou du pape Paul VI (1965) avec tact et discrétion. À chaque occasion, il compose avec les circonstances. Se faisant voleur d'images, il sait aussi gagner la confiance des personnalités : John F. Kennedy dans le bureau ovale de la Maison-Blanche (1961) ou Fidel Castro à La Havane (1964). Observateur infatigable, il a utilisé la séquence d’images pour dévoiler des scènes évoluant dans le temps.

Sur le plan professionnel, Erwitt pratique le grand écart en couvrant les campagnes électorales américaines pour la presse tout en travaillant pour l'industrie ou la publicité. Ses compositions dépouillées perpétuent un style documentaire sans artifice. Béret basque et baguettes de pain sur le porte-bagages du vélo, un père et son fils roulent paisiblement sur une route de Provence bordée de platanes. En quelques traits, le photographe sait utiliser les archétypes d'un pays pour un faire un pur moment de poésie : Provence, 1955. Parler au cœur du public, raconter des histoires sont des leitmotivs d'une œuvre qui s'étend, dans les années 1970, à la réalisation de films documentaires et, dans les années 1980, à des programmes comiques et satiriques pour la télévision.

Après soixante ans de carrière, Erwitt a publié plus d’une vingtaine de livres, entre autres : Son of Bitch (1974), RecentDevelopments (1978), PersonalExposures (1988), On the Beach (1991), Between the Sexes (1994), Dogs, Dogs (1998), Museum Watching (1999), Snaps (2001), Handbook (2002), Unseen[...]

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Écrit par

  • : graphiste, photographe, enseignant en histoire de la photographie, diplômé de l'École nationale de la photographie (Arles)

Classification

Média

Elliott Erwitt - crédits : Jean Dieuzaide/ AKG-Images

Elliott Erwitt

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par et
    • 10 750 mots
    • 20 médias
    ...étranges rencontres d'une humanité hagarde et automatisée. Burk Uzzle, avec une élégante sûreté, Charles Harbutt, avec un lyrisme parfois visionnaire, Elliott Erwitt, avec beaucoup d'humour, le Japonais Ikko, avec son impeccable froideur, Tony Ray-Jones ou encore Richard Kalvar évoquent notre monde tronçonné...