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ÉLISABETH Ire (1533-1603) reine d'Angleterre (1558-1603)

Les débuts d'Élisabeth et le règlement de la question religieuse

Un héritage difficile

Élisabeth accède à la couronne sans contestation, dans la légalité. La succession n'est pas brillante : l'horizon espagnol s'assombrit, car aux ressentiments politiques et religieux s'ajoutent maintenant les ambitions déclarées du négoce anglais visant les Indes d'Amérique ; le Trésor anglais est épuisé par la guerre ; le commerce en état de crise ; pas d'armée permanente et une flotte déchue ; une nation divisée entre les tenants de la « vieille foi », ruraux conservateurs de l'Ouest et du Nord, et les adeptes brimés de la Réforme, recrutés surtout dans les villes et les ports, auxquels s'ajoutent les exilés qui, d'Allemagne et de Genève, rentrent en masse : tels étaient les problèmes d'État. Non moins aiguës sont les incertitudes et les crises qui affectent un pays en fort accroissement démographique et une société en pleine mutation. Aux grandes familles anciennes et aux parvenus de cour s'opposent les catégories nouvelles en plein essor, bourgeois capitalistes de l'industrie concentrée ou du négoce international qui profitent de la hausse des prix, hobereaux promoteurs d'une agriculture améliorée, administrateurs consciencieux et tyranniques en vertu de leur commission de juges de paix. À côté se trouvent les victimes de la mutation économique : artisans et apprentis sous-payés ; ouvriers exploités par les « entrepreneurs » ; yeomen francs-tenanciers déjà encerclés par les domaines mieux exploités de la gentry ; paysans menacés par les enclosures ; indigents, vagabonds... La lutte des classes, larvée, trouve dans les attitudes religieuses des points de ralliement, des encouragements, des alibis. Dans le Parlement, mêmes incertitudes : face aux Lords, les Communes, peuplées de gentilshommes, de titulaires d'offices, de riches bourgeois, agitent trop volontiers les questions politiques, financières, religieuses ; le souverain – même et surtout Henri VIII – ne peut efficacement imposer son absolutisme qu'avec le consentement et parfois sur l'initiative du Parlement. Dernière inquiétude : à la frontière septentrionale du royaume veille l'Écosse, traditionnellement hostile à l'Angleterre et dont la reine, Marie Stuart, petite-nièce de Henri VIII, donc héritière possible, est l'épouse de François II, roi de France.

Le compromis religieux

Élisabeth comprend vite que chacune de ses actions affecte profondément un équilibre aussi précaire. Sa perspicacité lui fait découvrir le conseiller sagace et énergique dont l'inébranlable attachement l'accompagnera si longtemps, William  Cecil, qu'elle nomme secrétaire d'État. Ainsi épaulée par ce grand ministre – un protestant –, elle s'attaque d'abord au brûlant problème religieux. Agissant par touches prudentes, encouragée par l'attentisme du pape et consciente que la paix religieuse passe par la voie d'un compromis, Élisabeth élague d'abord du catholicisme ce qui peut offusquer les protestants modérés, sans pour autant favoriser les tendances des calvinistes radicaux qui risquent de remettre en question les droits de la Couronne. En outre, comme son père, elle fait endosser par le Parlement les mesures qui, entre 1559 et 1563, établissent l'Église anglicane. L'Acte de suprématie lui confère le titre de gouverneur suprême de l'Église ; un nouvel Acte d' uniformité rétablit, en l'édulcorant, le Prayer Book de 1552 ; les lois contre les hérétiques sont annulées ; un serment est exigé de tous les clercs (tous les évêques, sauf un, le refusent), ce qui permet de destituer les récalcitrants. Dans la passivité significative du bas clergé, la hiérarchie nouvelle (mais les consécrations sont-elles valables ?) se constitue d'exilés[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Provence, directeur de l'Institut d'art

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Médias

Élisabeth I<sup>re</sup> (1533-1603) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Élisabeth Ire (1533-1603)

L'Invincible Armada - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

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