RECLUS ÉLISÉE (1830-1905)
Un géographe anarchiste
L’année 1864 marque un tournant important : avec son frère Élie, Élisée Reclus adhère, dès sa création, à l’Association internationale des travailleurs (ou Ire Internationale) et rencontre Michel Bakounine. Dès lors, les frères Reclus deviennent des membres actifs du mouvement anarchiste.
En 1868, Élisée Reclus fait paraître La Terre. Description des phénomènes de la vie du globe, ouvrage dans lequel il dresse le tableau des phénomènes physiques du globe (forme et reliefs, rivières et fleuves, volcans, mers et océans, phénomènes météorologiques, faune et flore) mais aborde aussi le rôle de l’homme – néfaste ou bénéfique – dans la transformation de la nature. Élisée Reclus a été fortement influencé par la correspondance qu’il entretient avec l’Américain George Perkins Marsh, auteur du premier ouvrage dénonçant l’impact négatif de l’homme sur la Terre. Marsh a toujours considéré Reclus comme un complément indispensable et optimiste à sa propre œuvre.
La guerre de 1870, puis la Commune de Paris marquent une radicalisation dans l’engagement politique d’Élisée Reclus qui, enrôlé dans la Garde nationale pour la défense de la Commune, se retrouve condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie avant de voir sa peine commuée en bannissement. Il part pour la Suisse en 1872, où il rencontre de nombreux anarchistes comme Piotr Alexeïevitch Kropotkine, qui devient un de ses amis.
De 1875 à 1894, il y fait paraître les dix-neuf volumes de sa grande œuvre, La Nouvelle Géographie universelle : la terre et les hommes. Cette encyclopédie géographique, récompensée par diverses sociétés de géographie, permet de connaître l’avancement des connaissances sur la Terre et ses habitants. Dans sa conclusion, Élisée Reclus estime que son travail n’est pas totalement achevé puisqu’il manque une analyse sur les lois du développement humain induit par la nature environnante.
En 1890, Élisée Reclus revient en France, mais il est contraint à nouveau de quitter le pays en 1893 à la suite d’une série d’attentats anarchistes, le pouvoir ayant adopté les lois dites « scélérates » qui répriment sévèrement toute activité anarchiste. Il part à Bruxelles enseigner à l’Université nouvelle, une institution créée spécialement pour lui, mais dont l’audience est confidentielle. En 1895, Élisée Reclus se lance dans le projet de réaliser un globe terrestre pédagogique à l’échelle de 1 : 100 000 pour l’Exposition universelle de 1900. Cette sphère de 127,5 mètres de diamètre devait permettre aux visiteurs de survoler la Terre et d’en découvrir les reliefs (aucune carte ne permettant, selon Reclus, de se faire une idée exacte d’une région). Mais l’intransigeance de Reclus – il refuse d’en faire une attraction commerciale – contribue à faire échouer son rêve.
Élisée Reclus commence la publication de L’Homme et la Terremais il meurt le 4 juillet 1905 à Thourout, près de Bruges, avant de l’avoir achevé (son neveu s’y consacrera). Selon lui, cet ouvrage représente son œuvre majeure, dans laquelle il cherche à montrer comment « les agissements des peuples s’expliqueraient, de cause à effet, par leur harmonie avec l’évolution de la planète ». Comme les géographes Alexander von Humboldt et Carl Ritter avant lui, Élisée Reclus, qui adhère très tôt aux hypothèses darwiniennes, considère que « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même ». Il expose par ailleurs de nombreuses idées présentes dans l’ensemble de son œuvre, comme celle sur le progrès. Élisée Reclus souligne que celui-ci provoque toujours un mélange d’effets positifs et négatifs et utilise le terme régrèspour désigner un progrès néfaste aux hommes ou à la nature. On y trouve aussi un intérêt très fort pour les « primitifs » – sans doute faut-il y voir l’influence de son[...]
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Écrit par
- Valérie CHANSIGAUD : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot
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