MAILLART ELLA (1903-1997)
Née à Genève en 1903, Ella Maillart pratique très tôt le ski puis, avec son amie Miette de Saussure, la navigation à voile sur le lac Léman. Elle fonde le premier club féminin de hockey sur gazon. Après son échec à l'entrée à l'Université, elle cherche à s'éloigner de l'Europe responsable de la Première Guerre mondiale. Devenue La Vagabonde des mers (publié à Londres en 1942), elle navigue avec Miette ou comme matelot à bord de navires britanniques, et participe aux régates olympiques sur la Seine. La maladie de Miette met fin à leur projet de traversée de l'Atlantique. Ella Maillart renonce à passer son existence en mer.
Attirée par les terres orientales, en quête du « secret des hommes droits qu'un ciel clair suffit à rendre heureux », elle quitte Berlin pour Moscou en 1930. Elle se joint à un voyage de jeunes Moscovites vers les vallées de Svanéthie dans le Caucase. La première version de ses souvenirs, Parmi la jeunesse russe (1932) est écrite en anglais, mais Charles Fasquelle est à l'origine du texte définitif en français. Ella Maillart s'adaptera ainsi à la langue de ses éditeurs, parisiens pour ses trois premiers récits, londoniens pour les derniers. Elle manifestera en toute chose un désir d'efficacité, se refusant à confondre la fin et les moyens, à rapporter « les objets concrets à leur essence », à pratiquer l'écriture autrement que comme une tâche laborieuse, ingrate, permettant, avec les conférences, le financement du voyage suivant et la mise au clair du carnet de notes – ce devoir du voyageur –, complété par les prises de vue photographiques.
L'authenticité de sa démarche, sa volonté inébranlable font s'écrouler les obstacles. Résolue à ne jamais se plaindre, elle applique sa devise « Partout où des hommes vivent, un voyageur peut vivre aussi. » Elle n'hésite pas à détourner les règlements, les interdictions de photographier ou les formalités aux frontières. Elle s'adapte au présent, au singulier, sans perdre de vue « qu'une seule chose compte, envers et contre tous les particularismes, c'est l'engrenage magnifique qui s'appelle le monde ». Son intérêt pour « le contact direct avec les êtres » apparaît dans ses descriptions de situations et d'individus qui, sous sa plume, ne sont jamais réduits au pittoresque. Son style privilégie l'enthousiasme du point d'exclamation, le questionnement du point d'interrogation et parfois l'efficacité des dialogues, rendant compte avec simplicité du quotidien d'une femme qui voyage dans des lieux hors du commun pour chercher ce que les hommes ont en commun. Son regard photographique dépasse l'impression subjective pour saisir la réalité des vies et leurs éclats de bonheur.
Son deuxième périple l'amène avec des voyageurs russes chez les Kirghizes, puis seule, sans visa, au Turkestan. Des monts célestes aux sables rouges (1934) elle se rend à Tachkent, à « Samarcande l'incomparable », à « Boukhara la déclassée », assiste au procès d'insoumis au régime bolchevique et traverse le désert des sables rouges sous la menace de l'hiver. Sans s'attarder sur son exploit, elle participe à son retour à « une de ses plus actives saisons de ski » dans les Alpes.
Elle obtient l'aide financière du Petit Parisien pour partir en Mandchourie occupée par les Japonais, puis allie son expérience à celle de Peter Fleming, correspondant du Times, pour traverser la Chine, atteindre l'Inde à travers les Oasis interdites du Sinkiang (1937). Elle trouve là un écho à sa quête d'absolu : « Dans ce désert immense, sous ce ciel vibrant, il semble que l'âme se concentre, et pendant un instant avec force, je me sens loin de tout, séparée de tout ce que je sais, et comme arrivée au bout de moi-même. »
Elle[...]
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Écrit par
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
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