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CARTER ELLIOTT (1908-2012)

La poésie de la transformation

Si, dans son Concerto pour orchestre (1969), Carter se propose, à la fois, de traiter l'orchestre en tant que foule d'individus, où chaque membre de la formation serait montré en gros plan, et d'exploiter l'idée de « vagues de sons » (mais cette fois durant 20 minutes et non pas sur un bref laps de temps, comme dans la coda du Double Concerto), ce n'est cependant que par la suite qu'il découvre Vents de Saint-John Perse et prend conscience que ce poème évoque certains aspects de son idée musicale de départ. Ce texte, qui traite de la « poésie du changement, de la transformation, de la réorientation des sentiments et des pensées », l'aidera à poursuivre son travail jusqu'au moment où, les détails poétiques prenant le pas sur la structure générale et, de ce fait, le gênant, il décidera de désormais l'ignorer. Ce concerto est ainsi avant tout pensé afin de produire « l'image virtuelle » du passage du temps. Mais, finalement, comme l'écrit le compositeur, « ce qui importe, c'est de percevoir, ici, que tout ce matériel d'intervalles et d'accords est le „maintenant“ dont le flux musical, en mouvement constant, altère en permanence les contours ».

Quant à sa Symphonie de trois orchestres (1976), son propos premier se résume en l'idée musicale d'une œuvre traversée d'un bout à l'autre par un mouvement dégressif constant évoluant du registre le plus aigu de l'orchestre vers le plus grave. À ce point de départ est associée sa volonté de mélanger plusieurs niveaux sonores, comme dans son Troisième Quatuor à cordes (1971). Cependant, au lieu de deux duos jouant leurs propres séries de mouvements, il s'agit ici de trois orchestres se mêlant avant de se séparer (sur le plan harmonique, l'œuvre utilise les 38 possibilités – dont 28 sont renversables – d'un accord de cinq sons). Cette réflexion conduit Carter à repenser à un poème de Hart Crane, The Bridge. Il décide alors de s'inspirer d'éléments isolés du poème, qui suggèrent l'idée globale du mouvement des registres de l'aigu vers le grave et celle du croisement de divers caractères. L'œuvre débute ainsi par une vision du port de New York survolé par un goéland et s'achève avec le suicide de Hart Crane. Mais, encore une fois, c'est seulement après avoir trouvé la conception de la musique que Carter eut cette « vision ».

Outre un Duo pour violon et piano (1974), un Quintette de cuivres proche du théâtre instrumental (1974), Penthode, pour cinq groupes de quatre instruments (1985), et Inner Song, pour hautbois solo (1992), il faut encore mentionner plusieurs œuvres dont la spécificité réside dans leur rapport à la vocalité : A Mirror on which to Dwell, sur des poèmes d'Elizabeth Bishop, pour soprano et ensemble instrumental (1975), Syringa, pour mezzo-soprano, basse et onze instruments (1978), In Sleep, in Thunder, sur six poèmes de Robert Lowell, pour ténor et quatorze instruments (1981), Of Challenge and of Love, sur cinq poèmes de John Hollander, pour soprano et piano (1994), What Next ?, opéra en un acte (1998), Of Rewaking, pour mezzo-soprano et orchestre (2002), In the Distances of Sleep, pour mezzo-soprano et orchestre (2006), Mad Regales, pour six voix a cappella (2007) et What Are Years, pour soprano et ensemble (2009). Il faut encore mentionner les concertos pour hautbois (écrit en 1987, créé par Heinz Holliger le 17 juin 1988), pour violon (1990), pour clarinette (1996), pour violoncelle (composé en 2000 à la suite d’une commande de Daniel Baremboim et de l'Orchestre symphonique de Chicago, créé par Yo-Yo Ma le 27 septembre 2001), pour cor (2006) et pour flûte (écrit en 2008, créé par Emmanuel Pahud le 11 juin 2009). Elliott Carter, devenu centenaire, continue de composer, notamment[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La musique

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    • 6 médias
    Avant de devenir le grand architecte de quatuors de son temps,Elliott Carter (1908-2012) a connu une lente évolution qui a retardé sa consécration jusqu'à la fin des années 1950. Parti d'une formation néo-classique à laquelle Copland n'était pas plus étranger que Stravinski, il a poursuivi un chemin...