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ÉLOGE DE LA FOLIE, Érasme Fiche de lecture

<it>Portrait d'Érasme</it> - crédits : Photos.com/ Jupiterimages

Portrait d'Érasme

Conçu en 1509 et rédigé en latin la même année par Érasme (1467 env.-1536) à son retour d'Italie, dédié en 1510 au juriste anglais Thomas More (futur auteur de l'Utopie, 1516), imprimé pour la première fois à Paris en 1511 sous le titre Encomium Moriae, puis enrichi dans plusieurs éditions bâloises jusqu'en 1532, l'Éloge de la folie fut l'un des best-sellers européens de la Renaissance. Rapidement traduit, il reste l'œuvre la plus connue du grand humaniste de Rotterdam. On peut en effet y voir, comme dans la Nef des fous de Sébastien Brant (1494), l'un des détonateurs du mouvement de réforme évangéliste qui ébranle l'Europe chrétienne du xvie siècle. La recherche d'authenticité et d'exactitude philologique, d'abord appliquée par Érasme à l'héritage littéraire de l'antiquité païenne, l'a rapidement entraîné à soumettre les textes bibliques à un pareil examen et à formuler une critique des institutions de l'Église romaine, qu'il juge peu fidèle au message du Christ. Le retour au texte original des Écritures débouche ainsi sur un appel pressant à un renouveau de la foi, qui s'exprime dans l'Éloge de la folie de façon aussi ingénieuse que plaisante.

Une déclamation parodique

Stultitia loquitur, « C'est la Folie qui parle », annoncent les premiers mots. L'ensemble de sa déclamation célèbre avec une emphase parodique son empire sur le monde et les avantages infinis qu'elle procure aux hommes : « Vous savez donc mon nom, hommes... Quelle épithète ajouter ? Archifous ? Soit ! La déesse Folie ne peut qualifier plus honnêtement ses fidèles. Mais on ne sait guère d'où je viens, et c'est ce que j'essayerai de vous expliquer, avec le bon vouloir des Muses. » La composition d'ensemble évoque celle d'une homélie, incitant l'homme à rejoindre Dieu : le tableau des péchés et des vices de l'homme amène en effet un rappel des vérités de la foi chrétienne et une exhortation à la conversion. Alors que la faible Raison n'apporte que tourments, la Folie se veut source de vie et de tous les plaisirs qu'elle envisage dans un plaisant désordre : amitié, amour, mariage, amour-propre, guerre, chasse, superstitions, course aux privilèges...

Après le rappel de la vanité de la sagesse et des sciences, et du malheur auquel se vouent ceux qui s'y consacrent, la partie la plus audacieuse de l'éloge est celle où sont passés en revue les fous qui veulent se donner l'apparence de sages : grammairiens, poètes, maîtres de rhétorique, savants, juristes, philosophes, mais aussi princes, courtisans, théologiens, moines, évêques et papes, dont sont dévoilés les abus ! La Folie conclut en citant les autorités antiques qui accréditent son propos ; c'est ainsi la voix de saint Paul qui amène Érasme à célébrer pour finir la sainte folie de la Croix et de l'espoir en Dieu. La progression du discours nous conduit de la satire « aux confins de la mystique » (J.-C. Margolin).

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Écrit par

  • : Professeur de littérature de la Renaissance à l'université du Maine

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<it>Portrait d'Érasme</it> - crédits : Photos.com/ Jupiterimages

Portrait d'Érasme

Autres références

  • ÉRASME (1467 env.-1536)

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    ...Basile, Chrysostome), à la publication d'une nouvelle édition des Adages et d'un pamphlet (non signé) contre Jules II (Julius exclusus a cœlis). C'est au cours de son séjour chez More qu'il aurait rédigé en quelques jours l'étonnante « déclamation » devenue universellement célèbre sous le nom d'...