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ELOI PRUYSTINCK (XVIe s.)

Proches de ceux que Calvin appellera les Libertins spirituels, les loïstes ou partisans d'Eloi Pruystinck propagent à Anvers, de 1525 à 1544, l'idée que l'esprit anéanti en Dieu permet d'identifier à la volonté divine la recherche des plaisirs sans contrainte ni culpabilité.

En 1525, Eloi Pruystinck, « couvreur d'ardoyse », quitte Anvers pour Wittemberg, où il espère convaincre Luther et Melanchthon de la justesse de ses thèses. Scandalisé par les propos de son interlocuteur, Luther le dénonce dans une lettre aux réformés anversois. Arrêté en 1526 et condamné, avec neuf de ses amis, à la pénitence publique, Eloi, sous le couvert d'une feinte dévotion, propagera impunément ses idées jusqu'en 1544. Le procès qui lui est alors intenté relève les noms de Christophe Hérault, un bijoutier français, Jean Davion, un riche bourgeois, Jan Dorhout, un regrattier, Germaine Bousseraille, un paysan pauvre, Gabriel Van Hove, un riche marchand de poissons, le peintre et faïencier Henri de Smet et Dominique d'Uccle, « écrivain de tous leurs livres ». Des loïstes, estimés alors à plusieurs milliers, beaucoup s'exileront en Angleterre où, un siècle plus tard, leur doctrine aura cours parmi les ranters. Le suicide de Dominique et l'exécution des accusés mettent fin à l'existence du groupe, mais son influence se perpétue jusqu'à la fin du xvie siècle en Flandre, en Hollande et en Allemagne.

La Summa doctrinae, peut-être rédigée par Raymond Poullain à l'intention de Calvin, et la lettre de Luther éclairent sur les opinions des loïstes, en l'absence de trace de leurs brochures. Dieu étant bonté et non justice, ils s'identifient à lui en annihilant leur libre arbitre. Ils rejettent le péché, la résurrection et l'autorité de l'Église ; et ils assimilent la foi à la nature qui enseigne « à faire à mon prochain ce que je voudrais qu'il me fît ». Un chroniqueur dénonce « leurs opinions impies, agréables au monde et à la chair, et qui tournaient en dérision la religion catholique romaine aussi bien que la réformée » (voir J. Frederichs, De Sekte der Loïsten, Gand, 1891 ; R. Vaneigem, Le Mouvement du Libre-Esprit, Paris, 1986).

— Raoul VANEIGEM

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