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ÉLOQUENCE, Grèce antique

L'éloquence comme genre littéraire apparaît en Grèce tardivement (fin ~ ve et surtout ~ ive s.). Les plus grands orateurs sont contemporains de Philippe de Macédoine. Avant cela, les hommes politiques ne publient pas leurs discours. Le premier traité sur l'art de la parole est un manuel à l'usage des plaideurs : La Rhétorique, de deux rhéteurs siciliens, Corax et Tisias. Les sophistes développent cet enseignement, définissant une discipline ingénieuse du langage ayant pour but de persuader. Après eux, l'éloquence est véritablement un nouveau genre littéraire.

Tous les orateurs dont les œuvres nous sont restées sont des Athéniens : outre que le tempérament de l'Athénien le porte à apprécier les beaux discours, le régime démocratique de cette cité, où la parole confère un pouvoir supérieur à celui des magistrats officiels, a contribué à cette éclosion d'orateurs. En effet, les discours politiques sont prononcés devant l'Assemblée du peuple qui se réunit quarante fois par an, sans compter les assemblées extraordinaires, et les orateurs experts qui parviennent à prendre de l'influence sur le peuple obtiennent alors un grand prestige. Les usages judiciaires favorisent également les progrès de l'éloquence : dans les procès civils, chaque partie soutient elle-même ses intérêts ; dans les autres, tout citoyen peut se porter accusateur, et l'accusé se défend lui-même, chacun parlant à la foule en un temps limité du haut de sa tribune. Aussi les professions de logographe (celui qui compose un discours pour le plaideur) et de synégore (qui prend la parole au tribunal après le plaideur) sont-elles en expansion. Quant à l'éloquence d'apparat, plus soignée et plus soucieuse encore d'esthétique pure, elle se développe dans les oraisons funèbres prononcées traditionnellement en l'honneur des soldats morts.

Les plus célèbres des orateurs attiques sont Andocide, Isée, Lysias, Isocrate, pour la période qui va de ~ 415 environ à ~ 360 ; puis, de ~ 360 à ~ 323, fleurit la génération des grands orateurs politiques : Démosthène, Eschine, Hypéride, Lycurgue...

Andocide (~ 440 env.-apr. ~ 391) n'est pas un orateur de profession. Ses discours lui sont imposés par les difficultés qu'il rencontre : compagnon de plaisir d'Alcibiade, compromis dans l'affaire des mystères d'Éleusis et dans celle de la mutilation des Hermès, il est d'abord emprisonné, puis, parce qu'il a dénoncé ses amis pour échapper à la mort, il s'exile de lui-même jusqu'à la chute des Trente. On connaît de lui trois discours : Sur le retour (~ 408), Sur la paix (~ 391), dont l'attribution est incertaine, et Sur les mystères (~ 399), discours prononcé pour se défendre après avoir été accusé d'impiété par un sycophante. Il est considéré comme un orateur de deuxième rang.

Isée, dont la carrière d'orateur s'étend de ~ 390 à ~ 350 environ, fut le maître de Démosthène. Tous les discours que nous possédons de lui ont trait à des affaires d'héritage. Il est remarquable par la netteté de son argumentation et la fermeté de son langage.

Lysias (~ 440 env.-env. ~ 380) est considéré comme le modèle de l'éloquence attique, sobre et nuancée. Initié à la rhétorique par des Siciliens, il exerce le métier de logographe avec succès, à son retour d'exil (il s'est enfui pour échapper aux persécutions des Trente tandis que son frère Polémarque a été mis à mort). Il a écrit plus de deux cents discours ; il nous en reste, intégralement ou par fragments, une trentaine. Il n'est intervenu personnellement en justice qu'une seule fois, avec son discours Contre Ératosthène, par lequel il réclame, pour venger son frère et malgré la loi d'amnistie, la condamnation pour homicide de l'un des ennemis de Polémarque.[...]

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