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POPESCO ELVIRE (1894?-1993)

« Un verre de champagne avec des larmes au fond... » C'est ainsi que Tristan Bernard évoquait Elvire Popesco, décédée le 13 décembre 1993 dans son appartement à Paris, à l'âge officiel de quatre-vingt-dix-huit ans. Sa date de naissance, selon les sources, variait entre 1894 et 1896. Elle-même déclarait avoir perdu toute fiche d'état civil en arrivant en France...

Peu importe, en fait. Ce qui est certain, c'est qu'a disparu avec elle l'une des dernières grandes figures du théâtre de l'entre-deux-guerres et des années qui suivirent. Exotique et désinvolte, imprévue et mystérieuse, malicieuse et grande dame, tout en paradoxe et en force de vie, Elvire Popesco s'était imposée très vite comme la reine d'un théâtre de boulevard brillant de tous ses feux, comme pour mieux nier les nuages qui s'amoncelaient sur la France et l'Europe d'alors... Mieux, elle était devenue la « Parisienne » par excellence, bouleversant les cœurs avec son accent roumain délicieusement chantant – et qu'elle cultivait avec soin.

Simple coquetterie ? Fidélité à ses origines ? Sans doute les deux à la fois. Née à Colentina, non loin de Bucarest, nièce d'un acteur fameux – Nicolescu –, pensionnaire du Théâtre national de Bucarest à quatorze ans, celle qui se nommait encore Elvira Popescu avait interrompu en venant à Paris un début de parcours riche de promesses, interprétant drames et tragédies, tournant son premier film (La Petite Tzigane de la chambre à coucher), se mariant et fondant deux théâtres, l'Excelsior en 1919, puis le Mic en 1923.

C'est cette même année que Louis Verneuil la révèle à la France, après l'avoir vue jouer – en roumain – Passion rouge de Mikhaïl Sorbul au théâtre de l'Œuvre. Il lui propose de créer sa dernière pièce, Ma Cousine de Varsovie. C'est un triomphe qui, pendant un demi-siècle, ne se démentira pas. Moins souvent « roumaine » sur la scène qu'héroïne slave ou italienne, elle est tour à tour princesse décadente, aristocrate fofolle, aventurière cosmopolite, séductrice fatale. Les plus célèbres auteurs du boulevard sont à ses pieds. Toujours Verneuil (Pile ou face, Du sang sur l'hermine, La Course à l'étoile, etc.), mais aussi Henry Bernstein, Henri Jeanson, Marcel Achard, Sacha Guitry, ou encore Jacques Deval (Tovaritch), Maurice Druon (La Contessa), André Roussin (Nina, La Mamma, La Voyante, etc.). Seul Cocteau la ramène à la tragédie, en 1954, avec le rôle de Jocaste dans La Machine infernale.

Le cinéma lui fait fête à son tour, même si, hormis René Clément, dans Plein Soleil, ou Abel Gance avec Paradis perdu et Austerlitz, c'est pour la reléguer dans les mêmes rôles stéréotypés au fil d'une cinquantaine de films tels que L'Habit vert, Ils étaient neuf célibataires, Éducation de prince...

De 1956 à 1965, Elvire Popesco prend la tête du Théâtre de Paris, avant de devenir codirectrice du Théâtre Marigny, dont une salle porte aujourd'hui son nom. Décorée des insignes de commandeur de la Légion d'honneur par François Mitterrand en 1989, elle apparaît pour la dernière fois sur scène en 1980, avec la reprise de l'un de ses plus grands succès, La Mamma.

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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