CULBERTSON ELY (1891-1955)
La carrière d'Ely Culbertson est indissociable du bridge contrat qu'il a puissamment contribué à développer. Culbertson a su au mieux utiliser les moyens modernes de communication – presse, radio, publicité et événements. Le style flamboyant du personnage, capable de largesses comme de mesquineries, son indiscutable charisme, son union avec la meilleure joueuse du moment ont fait de lui un personnage très en vue. Cette image ne doit pas faire oublier sa formidable vision du jeu moderne, ni sa parfaite confiance dans un système tôt mis au point et amélioré au fil des ans qui domina le monde du bridge jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Ely Culbertson est né en Roumanie, à Poiana di Verbilao, le 22 juillet 1891, d'un père américain, prospecteur de pétrole dans le Caucase, et d'une mère russe. Élevé en Russie, le jeune Ilya (Ely) y reçut une éducation assez peu conventionnelle. Happé par l'agitation politique, il adhère au Parti socialiste-révolutionnaire. En 1907, il est arrêté par la police secrète et jeté en prison. Son statut de citoyen américain lui permet d'être relâché. Ely Culbertson choisit de s'installer aux États-Unis en 1909. Peu de temps après son admission à Stanford en 1911, il part pour le Mexique, attiré par l'insurrection zapatiste. Puis il gagne Cuba et l'Espagne, d'où il est expulsé à cause de ses sympathies anarchistes. Il sillonne alors l'Europe et se fixe à Paris avant la guerre, puis à nouveau à partir de 1916, où il mène la vie d'un joyeux dilettante.
Après la guerre, il rejoint New York. Décidé à enseigner le bridge pour soutenir financièrement sa famille, dépossédée de ses biens par la révolution soviétique, Culbertson eut l'idée de tester l'efficacité de sa « méthode d'approche ». Ce fut un succès complet, démontrant à l'envi qu'un compte de main « mathématique » et des enchères exploratoires pouvaient permettre de vaincre dans un tournoi. Dès lors, Ely Culbertson fut admis au Knickerbocker Club, le temple du jeu new-yorkais. C'est là qu'il fit la connaissance en 1922 d'une reine du bridge, Josephine Dillon, née Morphy en 1898, mariée en 1919 et devenue veuve. L'idée de commencer par jouer ensemble et de former une paire s'imposa, et leur mariage fut célébré l'année suivante. Tous deux enseignèrent le système d'approche avec un succès grandissant. Mais leur réputation devait aussi être confirmée en tournoi. Jo et Ely se lancèrent dans la course aux trophées. Pour former une équipe, ils engagèrent deux très talentueux jeunes bridgeurs. L'équipe se distingua dans divers championnats. Le premier tournoi national de bridge aux enchères des Amériques se tint à Detroit en 1926 et fut remporté par les Culbertson et leurs alliés.
La découverte du bridge contrat
C'est en Californie, en 1927, que les Culbertson découvrirent le bridge contrat qui venait d'être mis au point par Vanderbilt. Ely entreprit d'adapter ses principes au nouveau jeu. Il avait bien senti que le bridge contrat allait se répandre et que son potentiel était énorme. L'idée d'une revue de bridge lui paraissait le meilleur moyen de s'adresser à un nombre important de joueurs. En octobre 1929, The Bridge World était lancé. Le succès du premier numéro, tiré à 20 000 exemplaires, dépassa les espérances. Pendant ce temps-là, Ely Culbertson avait défié un des meilleurs bridgeurs britanniques, le lieutenant-colonel Buller. Le match se déroula en septembre 1929 à Londres. Ce fut le premier des grands matchs internationaux disputés par l'équipe. La victoire écrasante du système Culbertson connut un grand retentissement en Grande-Bretagne et fit plus d'un adepte. Promis depuis un an, le livre que Culbertson avait baptisé Blue Book fut dicté au milieu des préparatifs[...]
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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