CULBERTSON ELY (1891-1955)
Grandeur et déclin de la « maison Culbertson »
D'autres défis attendaient les Culbertson : il fut décidé d'opposer à nouveau l'équipe américaine à une équipe britannique. Mais, auparavant, il fallait vaincre les Français chez eux. Mis au défi en 1933, ceux-ci acceptèrent de rencontrer Culbertson et les siens, à la condition que le match se déroule selon la marque du bridge plafond, plus courant en France. L'équipe française était emmenée par Pierre Bellanger. Peu familiarisés avec la marque du plafond, les Américains menèrent un combat hésitant, tandis que les Français avaient peine à suivre les enchères plus « compétitives » de leurs adversaires. Au bout de 102 donnes, le match fut déclaré nul. Pourtant, cette rencontre sonna le glas du bridge plafond. Après Paris, les Culbertson affrontèrent les Anglais à Londres. L'équipe britannique était renommée. Mais la méthode Culbertson était désormais fort efficace. Le match se termina sur l'impressionnant score de 10 900 points d'écart en faveur des Américains.
À la fin de 1933, Ely Culbertson se laissa persuader par un inventeur autrichien d'investir dans la fabrication de cartes à jouer en matière plastique, une technique alors inédite. C'est ainsi que naquirent les cartes Kem. Pourtant, les prévisions un peu optimistes d'Ely furent déjouées : les bridgeurs trouvaient ces cartes trop chères. Il fallut céder le capital. Mais Culbertson s'assura des droits confortables, qui lui apportèrent de substantiels revenus jusqu'à la fin de sa vie.
À la même époque, certains des meilleurs joueurs de compétition, dont Oswald Jacoby, avaient formé une équipe redoutable, baptisée les Quatre As (The Four Aces). Ely avait jusqu'ici soigneusement évité de les rencontrer, mais, en janvier 1934, le grand tournoi national de l'U.S.B.A. vit la victoire des Quatre As sur l'équipe Culbertson. Or ces champions pratiquaient leur propre système. Ils en avaient exposé la teneur dans un livre. À la fin 1934, Jo et Ely Culbertson se déclarèrent prêts à rencontrer le couple le plus fort. En fait, Ely cherchait à défier Hal et Dorothy Sims, qui formaient probablement une des meilleures paires du moment. Le match promettait d'être spectaculaire, d'autant plus que les Sims avaient leur propre système. Ely et Josephine prirent vite l'avantage et ne l'abandonnèrent pas, s'assurant ainsi la victoire. Voilà qui tombait à point pour promouvoir le Red Book. Publié en 1934 sous le titre de Contract Bridge Red Book on Play, l'ouvrage était consacré au jeu de la carte et complétait ainsi le Blue Book de 1930.
Mais les ennuis allaient bientôt commencer. Les premiers Championnats du monde devaient se tenir à Budapest en 1937. Il avait été décidé que les vainqueurs du grand tournoi national de l'U.S.B.A. y représenteraient les États-Unis, leurs frais étant pris en charge par l'organisation Culbertson. Ici encore, les Quatre As s'étaient imposés – avec leur système ! Extrêmement dépité, Ely revint sur ses engagements et refusa d'envoyer les gagnants en Hongrie. Il fut alors décidé de faire appel à l'équipe suivante pour seconder les Culbertson. Mais Budapest fut le théâtre d'une déroute américaine face aux Européens. En outre, les Culbertson allaient divorcer cette même année. Toutefois, Jo et Ely restèrent partenaires et associés à parts égales dans la société qui détenait les actifs du duo depuis 1934. En 1938 était lancé l'Autobridge, un appareil permettant, à l'aide de fiches et de tirettes, de s'entraîner seul au bridge, enchères comprises.
L'« ère Culbertson » touchait à sa fin, du moins en ce qui concerne le bridge. Ely venait de coucher sur le papier son autobiographie, The Strange Lives of One Man (publiée en 1940). Désormais, la politique[...]
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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