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GAT EMANUEL (1969- )

Des « organismes chorégraphiques »

En 2007, Emanuel Gat réalise que ses conditions de travail, précaires, ne s’amélioreront pas et décide de quitter Israël, avec sa femme et ses cinq enfants. Il vient s’installer en France, à Istres, en septembre, grâce à Didier Michel (qui avait été directeur du festival d’Uzès de 1996 à 2006), dans les locaux de la Maison de la danse intercommunale. La ville ne lui était pas inconnue : il y avait déjà passé quelques mois pour des résidences de création. La Fondation B.N.P.-Paribas, qui soutient notamment les talents de l’art chorégraphique, le repère immédiatement et l’accompagne dès son arrivée.

Très vite, les commandes affluent. Silent Ballet est sa première pièce chorégraphiée en France. Conçue pour huit danseurs, sans musique, elle est présentée au festival de Montpellier 2008. Dès l’année suivante, Emanuel Gat crée Hark !, une pièce avec douze danseuses étoiles pour le Ballet national de l’Opéra de Paris. Dans la foulée, il est sollicité par de grandes maisons d’opéra, comme la Sydney Dance Company(Satisfying Musical Moments, 2010), le Ballet du Rhin (Observation Action, 2010), le Ballet du Grand Théâtre de Genève (Préludes et fugues, 2011). En 2011, il crée Brilliant Corners à Montpellier, une pièce inspirée par le jazzman Thelonious Monk et pour laquelle il compose également la musique, d’une structure aussi complexe et subtile que sa danse. En 2013, artiste associé au festival Montpellier Danse, il propose quatre créations (trois chorégraphies – The Goldlandbergs, Corner Etudes et Danses de cour –et une exposition photographique). Il s’y révèle non seulement un grand chorégraphe, féru de contrepoint et sachant manier l’art de la fugue avec soin – comme dans The Goldlandbergs qui rassemble dans une même chorégraphie les Variations Goldberg, œuvre pour piano de Bach, et un documentaire radiophonique de Glenn Gould (The Quiet in the Land) –, mais aussi un photographe de talent.

Dans l’exposition photographique, intitulée It’s People, How Abstract Can It Get ?, on retrouve tout ce qui séduit dans les pièces d’Emanuel Gat : la relation entre les hommes, la mise en valeur des corps et l’expressivité du visage des danseurs surpris en plein travail. Avec leurs gestes qui hésitent entre un quotidien banal et la transfiguration de sensations intérieures propres à faire vibrer l’espace, on pénètre dans un monde où la tension entre l’immanent et le transcendantal est à son comble.Apparitions et disparitions de danseurs se succèdent et cristallisent, ou encore révèlent l’instant à la manière d’un bain photographique. Les corps s’arriment les uns aux autres, s’aimantent, avant de se disperser dans l’espace. Emanuel Gat sait réunir dans une danse palpitante la vérité de chacun et les intrications du groupe, revendiquant pour ses créations le titre d’« organismes chorégraphiques ». Une belle façon de nommer ce territoire fragile, entre le verbal et le sensoriel, que sont les œuvres d’Emanuel Gat.

— Agnès IZRINE

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

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