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SWEDENBORG EMANUEL (1688-1772)

L'expérience vécue à laquelle nous convie l'œuvre du Suédois Swedenborg est aussi peu banale qu'exemplaire : le génie mathématique qui découvre un jour que l'amour est plus que tout, qui se voit obligé par ses rêves mêmes et ses visions d'en convenir et qui s'appliquera désormais, avec une conscience semblable à celle qu'il apportait à l'étude des étoiles, à proposer une sorte de progression rationnelle qui fera passer de notre état à celui de pur esprit, ce génie-là a beaucoup à nous apprendre. Il est au cœur même d'une démarche qui est celle exactement du modernisme et qui découvre – après les extases faciles et courtes de l'entendement, et leur inévitable contrepartie, les affres et les moues de mépris de l'absurde – que seul compte l'absolu de l'amour divin : ubi caritas et amor, Deus ibi est (là où sont la charité et l'amour, là est Dieu lui-même).

Le voyageur et le savant

Né à Stockholm le 29 janvier 1688, second fils de Jesper Svedberg, qui sera un jour évêque de Skara, Swedenborg perd sa mère en 1696. Après de brillantes études à Uppsala, il est en 1709, docteur en « philosophie », mais c'est surtout aux sciences naturelles qu'il s'est intéressé, ainsi qu'à la musique. Peut-être a-t-il rencontré l'amour, en 1709, mais il y a pas lieu d'exagérer l'importance de ce qui ne fut sans doute qu'une petite idylle. Il était fait pour les livres, la recherche et la méditation.

En 1710, il s'embarque pour l'Angleterre, où, durant quatre ans, il améliore ses connaissances en mathématiques, musique, sciences naturelles et surtout astronomie. Il voyage en Hollande, en Allemagne et en France et s'essaie aux belles-lettres par un recueil de fables en vers latins imités d'Ovide : La Muse du Nord.

En 1714, cet esprit ordonné et systématique se révèle tel qu'en lui-même, par un catalogue qu'il dresse à l'intention de son oncle Benzelius, futur archevêque d'Uppsala ; ce sont les inventions qu'il a élaborées : une machine à vapeur, une machine volante, dotée d'ailes fixes et propulsée par une hélice, un appareil sous-marin, un fusil à air comprimé, un modèle d'écluse d'un type nouveau et une pendule à eau destinée à représenter le mouvement des planètes. Son père note qu'à cette époque il connaît une dizaine de langues dont quelques langues orientales, auxquelles il ajoutera plus tard l'hébreu et l'araméen.

C'est par les sciences qu'il se fait connaître en fondant, en 1716, la première revue scientifique suédoise qui ait existé, le Dædalus hyperboreus (1716-1718). Il obtient de Charles XII un poste d'assesseur extraordinaire au Collège royal des mines. Il illustre son esprit d'invention en 1718 en imaginant un moyen de faire passer plus de soixante kilomètres de terre ferme à deux galères, une corvette et cinq chaloupes, lors du siège de Fredrikshald.

Il publie. Il démontre, dans le mémoire La Hauteur de l'eau et la force du flux et du reflux dans le monde d'autrefois, preuves tirées de Suède, qu'il fut un temps où la Suède était complètement immergée et que, à l'heure où il écrit, la côte orientale du pays monte toujours. Avec 1721, on arrive aux grands ouvrages. Paraît à Amsterdam le Prodromus principiorum rerum naturalium, qui expose les principes de la chimie et de la physique, tandis que les Miscellanea observata sont publiés à Leipzig. La reine Ulrika Eleonora est si satisfaite des prestations du savant qu'elle lui confère, chose rare, la noblesse héréditaire, ce pourquoi il modifiera son nom en Swedenborg. Il siège maintenant de droit à la Diète sans cesser d'écrire : sur la monnaie, le commerce, l'économie suédoise – rien de ce qui est humain ne le laissant indifférent. Le voici assesseur ordinaire[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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