- 1. Les procédés
- 2. L'Antiquité celtique et romaine
- 3. Les émaux byzantins sur or cloisonné. Leurs adaptations carolingiennes et ottoniennes (VIe-XIe siècle)
- 4. L'émaillerie romane sur cuivre champlevé et le premier art gothique
- 5. Les émaux translucides de basse-taille et le Trecento
- 6. Les émaux peints à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance
- 7. L'émaillerie décorative des orfèvres et joailliers classiques
- 8. Bibliographie
ÉMAUX
Le terme émail, au singulier, suscite plus d'impressions tactiles que visuelles ; il évoque la dureté lisse de surfaces impénétrables aux corrosions, la netteté réfractaire d'une glaçure où le toucher ne saurait découvrir de faille. Mais que le pluriel en souligne les aspects, et les émaux brillent de tous leurs feux ; car les rayons de la lumière, sans entamer la virginité minérale de la matière, en pénètrent la substance et éveillent dans sa profondeur des gammes de vibrations colorées.
Capté par le réseau d'or du métal, leur jeu s'ordonne. Les couleurs opaques ou translucides tantôt s'unissent à la lumière en valeurs calmes, sur les plages paisibles de l'azur clair et du vert pré, tantôt l'absorbent dans les réverbérations nocturnes du cobalt, tantôt la ponctuent de jaune et de rouge, comme d'étoiles, de fleurs ou de flammes. L'émeraude coruscant répond au mystère des violets, à la majesté des pourpres et rivalise avec la fraîcheur des turquoises. L'ambre assourdit les clartés ; les gris cendre, les noirs les voilent d'ombres.
Sobre ou riche, la palette appuie ses nuances sur celles du métal. Mais sa surface dorée oppose à la lumière un obstacle infranchissable ; elle la reflète, la libère, donc, mais la fait rayonner, désormais voulue, unie ou divisée par l'outil et toujours chaude. La réverbération du four engendre ces harmonies colorées, en cristallise les vertus. Les visions se réfléchissent, éternisées, au miroir des émaux.
Les procédés
L'émail est un produit cristallin, mélange proportionné d' oxyde de plomb et de sable quartzeux se combinant en silicates avec une base, soude ou potasse, à l'aide de liants tels que la magnésie, le nitre et le salpêtre. Ce fondant transparent est coloré dans sa masse par des oxydes métalliques : cobalt pour le bleu ; cuivre à différents degrés d'oxydation pour le vert, le rouge, le noir et le turquoise ; argent pour le jaune ; antimoine et fer pour le brun ; étain pour le blanc ; manganèse pour les violets ; l'or enfin pour le rubis. Le plus ancien traité technique mentionnant l'émail, texte écrit en Basse-Saxe pendant la première moitié du xiie siècle par le moine Théophile, et les travaux de Blaise de Vigenère au xvie siècle confirment la permanence de cette palette toujours employée. Ces oxydes métalliques n'ont été analysés chimiquement et fabriqués par synthèse qu'au xixe siècle. Auparavant, on les obtenait par des opérations successives d'affinage de minerais ou par des oxydations pragmatiques ; ils comportaient donc des impuretés. Objets d'un commerce intercontinental avant l'ère chrétienne, ils aboutissaient aux verreries et de là aux émailleurs. La température de fusion des émaux se situe entre 700 et 800 0C.
L' émaillage consiste à broyer en poudre les émaux et à les appliquer à la surface d'un support soit céramique, soit vitreux, soit métallique ; on ne considérera ici que l'émaillage sur métal : l'or, l'argent, le cuivre et ses alliages, voire le fer se trouvent ainsi revêtus d'un épiderme qui les protège, les colore, les embellit. On décèle l'existence d'émail à Chypre vers le xive siècle avant J.-C. et dans la Grèce mycénienne. Sa présence sporadique persiste dans les régions orientales du monde grec, en Scythie, puis dans le bassin oriental de la Méditerranée héllénistique, là où tôt prospérèrent des sociétés urbaines. Ces essais révèlent d'emblée ce que sera l'intention permanente de l'émailleur : rivalisant avec la nature géologique, mais la dépassant en quelque sorte, il colore le métal avec une pierre précieuse artificielle et ductile, le verre coloré.
On a préparé depuis lors le support métallique avec des procédés définissant trois catégories principales[...]
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Écrit par
- Marie-Madeleine GAUTHIER : chargée de recherche au C.N.R.S.
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