EMBOUCHURES
L' embouchure d'un cours d'eau est le lieu où il déverse dans la mer ou dans un lac ses eaux et sa charge solide. L'interaction entre l'écoulement à sens unique du fleuve et les mouvements alternatifs de la mer y détermine des rapports particuliers entre les masses d'eau, et des formes spécifiques d'érosion et de sédimentation. Sur la plupart des côtes, les embouchures occupent leur emplacement actuel depuis moins de 6 000 ans, à la suite de la transgression flandrienne ; la durée relativement brève de leur façonnement explique que tant d'entre elles paraissent inachevées. Les deux termes possibles de l'évolution, les estuaires et les deltas, sont pourtant déjà atteints dans le cas de nombreuses embouchures : dans les estuaires, la capacité de transport du fleuve est relayée par celle, nettement plus grande, des courants de marée, et le chenal se calibre en fonction de ce débit accru ; dans les deltas, la suppression de la pente annule la compétence du fleuve, et la charge solide se dépose dans l'embouchure, divisant celle-ci en plusieurs bras.
Lors de la dernière submersion, la mer a envahi un paysage terrestre différencié, dont les vallées fluviales constituaient les parties les plus basses, de sorte qu'elles ont été occupées, parfois sur de longues distances, par des bras de mer à l'extrémité desquels se trouvaient les nouvelles embouchures. C'est dans ces bras de mer, souvent bien protégés des houles, qu'arrivait alors la charge solide des fleuves, et que cette charge était répartie en fonction de l'interaction entre le fleuve et la mer. Les mécanismes de l'interaction, examinés en premier lieu, aideront à comprendre comment, à partir de situations initiales assez analogues, on est parvenu en quelques milliers d'années à la diversité actuelle des embouchures.
Dynamique des embouchures
Les eaux fluviales, douces, turbulentes et turbides débouchent en masse homogène dans les eaux marines salées et propres, animées de mouvements inconstants. Le mélange n'est pas instantané, et il faudra maints heurts pour que les sédiments fluviatiles soient pris en charge par la mer.
Les apports des fleuves
Les fleuves transportent vers la mer le produit de l'érosion de leur bassin versant. Indépendamment des transports en solution (qui ont peu d'effet sur la morphogenèse des embouchures), il s'agit soit de particules fines, transportées en suspension, soit de particules assez grossières, transportées au ras du fond. Ces dernières, sables, graviers et galets, sont déplacées, en saltation ou roulage, par le frottement que les eaux courantes exercent sur elles ; les plus petites, pour lesquelles le frottement est grand par rapport à leur inertie, sont déplacées plus aisément, et la limite de la compétence d'un fleuve est mesurée par la taille maximale des particules qu'il peut ainsi charrier. Cette limite est étroitement liée à la vitesse des eaux, et le ralentissement du courant entraîne le dépôt des particules grossières. La vitesse est fonction du débit, de la pente et de la section mouillée (laquelle peut être limitée par des contraintes structurales). Toutes choses égales d'ailleurs, il y a donc dépôt lorsque la pente diminue, et en particulier lorsqu'elle s'annule par l'arrivée dans la mer. Les particules fines, transportées en suspension, n'y restent que parce que la turbulence des eaux courantes est suffisante pour compenser leur vitesse de chute. Elles se déposeront donc sur le fond lorsque la turbulence cessera. C'est ce qui se produit quand un fleuve se jette dans une étendue d'eau calme. Le dépôt des particules fines par diminution de turbulence et celui des particules grossières par diminution de compétence ne sont donc pas liés. Dans une embouchure, ils peuvent se produire l'un sans l'autre, ou tous deux ensemble, ou ni l'un ni l'autre : cela dépend de l'efficacité avec laquelle la turbulence[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre PINOT : professeur à l'université de Bretagne-Occidentale, Brest
Classification
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