ÉMERAUDE
La formation et les gisements d'émeraudes
La rareté de l'émeraude est principalement due au fait qu'elle réunit des éléments qui ont des sites géochimiques généralement différents : d'une part, le chrome, le vanadium et le fer, constituants préférentiels du manteau terrestre ; d'autre part, le béryllium et les alcalins provenant de la croûte continentale. Comment ces éléments peuvent-ils coexister dans un même minéral ? L'étude géologique approfondie des deux grands types de gisement de l'émeraude – brésilien et colombien – a permis de répondre à cette question et donc de mieux comprendre les conditions de formation de cette gemme.
Le type brésilien
Les premières émeraudes du Brésil ont été exploitées à partir de 1913, près de Bom Jesus das Meiras (aujourd'hui Brumado), dans l'État de Bahia, au lieu-dit Pirajà. L'aspect souvent laiteux et opaque, au corps enfumé, réduit l'éclat de ces gemmes. D'autres gisements ont depuis été découverts, offrant de beaux spécimens limpides et parfois des cristaux de bonne taille, provoquant à chaque fois la ruée des garimpeiros : la mine de Salininha (sur les rives du rio São Francisco dans l'État de Bahia), les gisements de Carnaibá et de Socotó localisés près de Campo Formoso (État de Bahia), ceux de Belo Horizonte (État de Minas Gerais) et de Santa Terezinha (État de Goiás).
Toutes ces émeraudes ont cristallisé dans des phlogopitites (roches uniquement constituées de phlogopite, un mica noir magnésien) et dans des plagioclasites (roches composées de plagioclases). Ces deux roches résultent de la transformation d'une pegmatite et des fluides associés, conséquence d'une intrusion granitique, au contact de « roches vertes », basiques voire ultrabasiques du manteau (péridotites, serpentinites, amphibolites). Le fluide alcalin chaud (de 400 à 600 0C), mis brutalement au contact des roches encaissantes, a mobilisé tous les éléments de ces dernières, qui se sont trouvés libérés et transportés par les fluides hydrothermaux. Au cours de cette métasomatose, la pegmatite et les fluides chauds apportent le potassium, l'aluminium, le silicium et le béryllium, alors que le chrome, le fer, le magnésium et, en moindre mesure, le vanadium abondent dans les roches vertes, permettant la cristallisation synchrone de phlogopite et d'émeraude (fig. 2). Ces cristallisations se sont produites voici environ 2 milliards d'années et entre 760 et 510 millions d'années. Ce type de gisement se retrouve en Inde (à Kaliginan, État du Rājasthān), en Australie (à Emmaville, en Nouvelle-Galles-du-Sud, et à Poona, dans l'Ouest australien), en Zambie (mine de Miku), en Tanzanie (près du lac Manyara), au Zimbabwe (gisement de Sandawana), à Madagascar (mines d'Akadilana) et dans l'Oural (à Takovaïa, à 45 kiomètres au nord-ouest de Sverdlovsk).
Le type colombien
Exploitées bien avant l'arrivée des Espagnols, les émeraudes de Colombie sont les plus belles. Le plus important gisement est la mine Muzo et les mines qui en sont proches (Yacopi, Coscuez et Peñas Blancas), à environ 100 kilomètres au nord-ouest de Bogotá. D'autres gisements sont ouverts dans la région de Chivor (mines de Chivor, de Macanal et de Gachalá), à environ 60 kilomètres à l'est-nord-est de Bogotá. Toutes ces émeraudes sont plus récentes (65 millions d'années et entre 38 et 32 millions d'années) que celles de type brésilien et se sont formées dans un contexte différent (fig. 3), celui du bassin sédimentaire de la Cordillère orientale. Elles ont cristallisé dans des shales noirs du Crétacé inférieur, roches sédimentaires litées et argileuses contenant de la matière organique, du fer, du calcium et, à l'état de traces, des terres rares, du béryllium, du chrome, du vanadium, ces trois derniers éléments provenant du remaniement de roches[...]
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Écrit par
- Yves GAUTIER
: docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection
La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015
Classification
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