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ARTIN EMIL (1898-1962)

On peut considérer Artin comme un des fondateurs de l'algèbre contemporaine ; par exemple, de l'aveu de son auteur, le livre Moderne Algebra de Van der Waerden, qui fut l'ouvrage de référence pendant trente ans, est issu de leçons professées par Emil Artin et Emmy Noether. Tant directement par ses travaux que par l'intense activité mathématique que son enseignement et ses séminaires ont entretenue, Artin a exercé une grande influence sur toute une génération de mathématiciens. Bien que ses recherches recouvrent de nombreux domaines où s'est exercée son ingéniosité, on peut cependant dire qu'Artin, de par son mode de pensée, était un algébriste né ; Henri Cartan le dit : « Son esprit rigoureux déteste l'à-peu-près ; il possède le don d'algébriser les problèmes, sans jamais perdre de vue l'intuition des phénomènes ; on peut même dire que l'algébrisation est pour lui une façon d'extérioriser la vision des choses. Chez Artin, la découverte est inséparable d'une compréhension lucide des structures mises en jeu. »

Corps de nombres algébriques et théorie du corps de classe

Emil Artin est né le 3 mars 1898 à Vienne. La décennie de 1921 à 1931 constitue une période d'intense activité créatrice où Artin fait les principales découvertes qui l'ont rendu célèbre ; grâce à lui, l'université de Hambourg, la plus jeune d'Allemagne, se place alors au premier rang pour les mathématiques. Fuyant le régime nazi, Artin et sa famille émigrent aux États-Unis en 1937 ; professeur à Notre-Dame, à Indiana, puis à Princeton, Artin ne regagne définitivement l'Europe qu'en 1956 ; il reprendra en 1958, vingt et un ans après son départ, son poste de professeur à l'université de Hambourg, ville où il meurt le 20 décembre 1962.

La part la plus importante de l'œuvre d'Artin concerne l'étude des corps de nombres algébriques et l'application des résultats obtenus à la théorie des nombres. Pour tout corps de nombres algébriques K, on peut considérer une fonction ζk(s), appelée la fonction zêta de Dedekind, qui généralise la fonction zêta de Riemann (obtenue lorsque K est le corps des nombres rationnels). Généralisant un résultat de Takagi, Artin a montré, en 1923, que, si K est une extension normale d'un corps k, alors la fonction ζk(s) divise la fonction ζk(s) en ce sens que le quotient est une fonction holomorphe dans tout le plan : ce quotient s'exprime au moyen de nouvelles fonctions L(s, χ), introduites par Artin, associées aux caractères χ du groupe de Galois de l'extension K/k. L'étude des facteurs L(s, χ), dont Artin a montré qu'ils sont des fonctions méromorphes, est devenue essentielle dans les recherches arithmétiques contemporaines, mais est très délicate ; de nombreux résultats conjecturés par Artin sur ces fonctions n'ont toujours pas été démontrés et constituent, à côté de la célèbre conjecture de Riemann sur la fonction zêta, les plus grands problèmes ouverts de la théorie des nombres. Artin a émis, au cours de sa vie, un très grand nombre de conjectures, dont beaucoup ont été démontrées ensuite par lui ou d'autres mathématiciens et ont stimulé de nombreuses recherches ; il faut se reporter à la préface des Collected Papers d'Artin où les deux mathématiciens S. Lang et J. Tate, anciens élèves d'Artin, analysent ces conjectures.

Les recherches d'Artin sur la fonction zêta de Dedekind étaient liées à la théorie du corps de classe, qui est essentiellement l'étude arithmétique du comportement des idéaux d'un corps de nombres k quand on passe à un surcorps K. Le cas classique, qui est celui où le groupe de Galois de l'extension K/k est abélien, a été pour la première fois abordé par Hilbert ; Artin a fait considérablement[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII

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