KRAEPELIN EMIL (1856-1926)
Psychiatre allemand né à Neustrelitz (Mecklembourg), Kraepelin fut élève de Wundt et de Gudden. Professeur de psychiatrie à Dorpat en 1886, puis à Heidelberg en 1890, et enfin en 1903 à Munich, il dirigea pratiquement jusqu'à sa mort la Königlische Psychiatrische Klinik. Dans son enseignement et par les neuf éditions successives de son Traité de psychiatrie (Psychiatrie : ein Lehrbuch für Studierende und Aerzte, 1re éd. 1883, 9e éd. 1927, en collaboration avec Lange), ainsi que par son Einführung in die psychiatrische Klinik (1900 ; éd. française partielle sous le titre de Leçons cliniques sur la démence précoce et la psychose maniaco-dépressive, Toulouse, 1970), Kraepelin a marqué profondément la psychiatrie européenne en imposant une classification nosologique des maladies mentales, fondée sur des critères essentiellement évolutifs. Il distingue, dans le groupe des psychoses : la démence précoce (terme repris à Morel), affection chronique de l'adulte jeune évoluant progressivement vers une démence complète ; et la psychose périodique, dans laquelle alternent des accès d'excitation maniaque et des moments de dépression mélancolique. Malgré les études anatomo-pathologiques du cerveau des aliénés s'inspirant des travaux de Virchow, Kraepelin ne peut mettre en évidence des lésions cérébrales bien spécifiques et maintient cependant le dogme d'une organogenèse des psychoses, en insistant sur leur nature « endogène » (en particulier d'ordre héréditaire). Cette position théorique est, en fait, une rationalisation permettant de dégager totalement la responsabilité du milieu extérieur et de la société dans la genèse des maladies mentales. Ainsi, l'aliéné est un individu malade, qu'on ne peut réellement traiter puisque sa maladie est endogène, et qu'il faut isoler définitivement de la société dans la mesure où il est dangereux pour elle. Le renfermement asilaire est donc bien justifié. Le système kraepelinien confirme et aggrave l'internement esquirolien, puisqu'il ajoute à la clôture spatiale la dimension temporelle d'une évolution chronique condamnant le patient à un statut de malade incurable, définitivement interné pour rester « hors d'état de nuire ». On comprend le succès d'une telle attitude psychiatrique dans les sociétés occidentales répressives. Encore actuellement, les idées de Kraepelin dominent le diagnostic et le pronostic en médecine mentale.
Né la même année que Freud, le professeur munichois défend ainsi solidement le dernier bastion d'une psychiatrie essentiellement médicale et normative, refusant, à l'inverse de son contemporain, de s'intéresser à la relation et de rechercher la signification du symptôme au niveau de la communication intersubjective. Pour Kraepelin, bien au contraire, celui-ci n'est que le signe d'un processus morbide organique qui n'apparaît pleinement qu'à l'autopsie. En ce sens, l'aliéné ne peut être qu'un objet d'étude anatomo-clinique, dont la seule place finalement autorisée par ce système est celle d'un cadavre.
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Écrit par
- Jacques POSTEL : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
Classification
Autres références
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DÉMENCE PRÉCOCE
- Écrit par Georges TORRIS
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Ancien nom de la schizophrénie. Kraepelin (1855-1926) choisit cette expression en 1883 pour désigner des « démences » observées chez des jeunes gens ; en 1896, il rapporta ces cas à l'hébéphrénie de Kahlbaum-Hecker ; enfin, en 1899, il reprit le terme pour nommer une maladie mentale incurable, évolutive,...
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MÉLANCOLIE
- Écrit par Marie-Claude LAMBOTTE
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...le délire est bien systématisé, et les paranoïas mal systématisées, secondaires, aiguës, pour lesquelles est créé le qualificatif de « paranoïde », que Kraepelin rapproche peu à peu la première des psychonévroses et fait rentrer les secondes dans le cadre de la démence précoce sous le nom de « démences... -
PARAPHRÉNIE (histoire du concept)
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Variété de délire chronique caractérisée par la préservation d'un secteur important de la personnalité (structure paralogique) et par la prédominance du mécanisme imaginatif (thèmes fantastiques).
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