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POULAT ÉMILE (1920-2014)

D’abord spécialiste du catholicisme, l’historien-sociologue Émile Poulat a également consacré plusieurs ouvrages à la laïcité (le dernier, Notre Laïcité, livre d’entretiens, est paru juste avant sa mort). En 2001, un ouvrage (Un objet de science, le catholicisme. Réflexions autour de l’œuvre d’Émile Poulat, publié sous la direction de Valentine Zuber) lui a été consacré.

Né le 13 juin 1920 dans une famille catholique lyonnaise, Émile Poulat est ordonné prêtre en 1944. Il s’engage dans le mouvement des prêtres ouvriers. À la suite de l’ultimatum lancé à ces derniers par le pape Pie XII, il choisit de quitter le sacerdoce en 1954, tout en restant catholique. Il se marie l’année suivante avec Odile, qui sera une très précieuse collaboratrice. En 1954 également, il fonde, avec quatre autres chercheurs, le Groupe de sociologie des religions au C.N.R.S. Le groupe se fait connaître grâce à une revue, les Archives de sociologie des religions, où Poulat publie diverses études et d’innombrables notes critiques (plus de 2 000 en tout !). Il fera carrière au C.N.R.S., à l’E.P.H.E. et à l’E.H.E.S.S. En 2013, François Hollande lui remet les insignes d’officier de la Légion d’honneur.

Poulat se fait d’abord connaître par ses recherches sur le modernisme, notamment avec sa thèse Histoire et critique de la crise moderniste (1962) qui s’appuie sur une lecture rigoureuse des grands textes de ce conflit marqué par l’encyclique Pascendi (1907), textes jusqu’alors évoqués plutôt de façon allusive. Dans ses travaux, l’historien montre qu’il s’est d’abord agi de la recherche d’un catholicisme plus « éclairé » que celui de l’enseignement scolastique traditionnel. Ensuite, modernisme savant et modernisme social sont apparus comme une contestation multiforme et généralisée du système d’emprise catholique, de ses bases théoriques comme de ses formes concrètes.

C’est ce système d’emprise que Poulat décrypte : un catholicisme intransigeant qui refuse la sécularisation, d’être cantonné dans un « domaine religieux » séparé du reste de l’espace social, de voir sa vision du monde et ses valeurs perdre peu à peu leur statut de croyances sociales pour devenir de simples convictions privées. Cet « intransigeantisme » se veut contre-révolutionnaire, antilibéral, antibourgeois. Il ne s’agit pas d’une lutte contre la classe bourgeoise mais d’un refus de son pouvoir idéologico-culturel, ce qui n’empêche pas la recherche d’un modus vivendi avec les autorités en place. Second adversaire de ce catholicisme intransigeant : le socialisme, à l’opposé du libéralisme, mais procédant de la même « erreur ». Poulat perçoit donc « trois pôles d’attraction et de répulsion [...] se disputant l’espace : la bourgeoisie dominante, l’institution catholique, le mouvement socialiste ». Divers livres (dont Église contre bourgeoisie et Catholicisme, démocratie et socialisme en 1977) explicitent cette problématique, parfois mal perçue dans un contexte postconciliaire tendu, mais qui redevient une grille d’analyse avec le pontificat de Jean-Paul II.

Pendant plusieurs décennies, Poulat analyse des courants de la « France catholique ». Mais, dès le départ, il s’intéresse aussi à « l’autre France », celle de l’anticléricalisme ; il publie, en 1987, un des premiers ouvrages scientifiques sur la laïcité : Liberté, laïcité, la guerre des deux France et le principe de la modernité qui situe d’emblée la laïcité française dans un contexte international. Le chercheur organise l’ensemble foisonnant des situations en deux modèles : « le modèle unioniste » (soit confessionnel avec une religion officielle, soit marxiste avec un parti unique) et le « modèle séparatiste » (dont les États-Unis et la France fournissent des cas contrastés).

La laïcité est liée à la compréhension moderne[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.

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