ZAPATA EMILIANO (1879 env.-1919)
La révolution mexicaine a fait d'Emiliano Zapata un martyr de la réforme agraire et un héros national. Sa vie se confond, pour l'essentiel, avec celle des paysans qui combattirent à ses côtés entre 1911 et 1919 pour faire reconnaître leurs droits sur la terre.
Emiliano Zapata, petit propriétaire métis, réputé expert en chevaux, est né à San Miguel de Anenecuilco, un village de l'État de Morelos, situé au sud de Mexico. À la veille de la révolution, la situation sociale est très tendue dans le Morelos, en raison de l'expansion des haciendas sucrières qui, avec la complicité des autorités, s'emparent des terres des communautés villageoises. Actif dans toutes les luttes agraires, Zapata est désigné, en 1909, président du conseil municipal d'Anenecuilco.
Lorsque Porfirio Díaz est élu pour la huitième fois président de la République, Zapata se rallie à l'opposant Francisco Madero, dont le plan de San Luis Potosi, rédigé en octobre 1910, alors que son auteur est réfugié à San Antonio (Texas), lance un appel à l'insurrection et contient la promesse d'une restitution des terres usurpées. Prenant la tête du soulèvement du Morelos en mars 1911, il contribue à la chute de Díaz tout en appuyant les objectifs des paysans-soldats, dont certains procèdent à des « invasions de terres ». Pour les planteurs du Morelos et la grande presse de Mexico, Zapata est désormais un « bandit », un « Attila moderne », et son mouvement une guerre contre la propriété.
Zapata se rend à Mexico le 7 juin 1911 pour exposer les revendications agraires au président Madero. Mais celui-ci temporise, tandis que le Morelos est occupé par les troupes fédérales. S'estimant trahi, Zapata rend public le plan d'Ayala (28 novembre), qui réclame la restitution des terres aux villages ainsi que l'expropriation, contre indemnisation, du tiers des grands domaines. Il s'agit, sans supprimer les plantations, de rétablir l'équilibre au profit des habitants des communautés et de leur permettre de conserver leur mode de vie traditionnel. Ce plan devient le texte de référence de l'agrarisme mexicain. Il donne une dimension nationale à Zapata, qui est dès lors le plus connu des nombreux chefs issus, comme lui, de la paysannerie du Morelos. Appuyés par des instituteurs villageois qui rédigent les manifestes du mouvement, les combattants arborent la Vierge de Guadalupe sur leurs bannières et leurs scapulaires. Durant l'année 1912, la guérilla prospère au rythme des exactions de l'armée fédérale contre les civils, et les zapatistes parviennent à contrôler le Morelos. Ils taxent les haciendas pour financer leur effort de guerre, tandis que la notoriété de Zapata s'étend parmi d'autres groupes insurgés dans les États voisins.
En février 1913, l'assassinat de Madero, à l'issue d'un coup d'État militaire, change la donne politique. Zapata poursuit la lutte contre la dictature du général Huerta, bourreau du Morelos en 1912, mais conserve son autonomie à l'égard des forces insurgées du Nord, celles de Pancho Villa comme celles des constitutionnalistes, dont le « premier chef », Venustiano Carranza (il s'était donné lui-même ce titre), entend incarner la légitimité madériste. Après la défaite de Victoriano Huerta (juillet 1914), les vainqueurs se divisent. Contre les carrancistes qui considèrent les zapatistes comme des « réactionnaires », Zapata fait alliance avec Pancho Villa, alors à la tête de l'armée la plus redoutable du Mexique. Le mouvement zapatiste, qui compte à ce moment-là quelque vingt mille combattants, connaît son apogée lorsque Zapata pénètre dans Mexico, en novembre 1914, à la tête de ses troupes et en compagnie de Villa. Tous deux soutiennent, contre les prétentions de Carranza, la Convención de Aguascalientes, une conférence d'officiers[...]
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Écrit par
- Annick LEMPÉRIÈRE : professeur des Universités
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Média
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