ÉMILIE
Les centres urbains
Est-ce, au xiie siècle, la création des communes libres ? où plutôt, à la Renaissance, l'émiettement de la région en multiples « seigneuries », les Manfredi à Faenza, les Malatesta à Rimini, les Este à Ferrare, les Bentivoglio à Bologne, les Farnèse à Parme et à Plaisance ? Il semble parfois qu'il n'y ait pas d'unité de l'Émilie et que l'étude des courants artistiques puisse être centrée, du xve au xviiie siècle, autour de quelques villes, témoins de leur époque : Rimini et Ferrare, cités du Quattrocento, Parme, patrie du Corrège ; Bologne où naît la peinture émilienne du xviie siècle.
Rimini et Ferrare
Rimini n'est plus actuellement qu'une morne plage, et de la splendeur des Malatesta, seul demeure le temple inachevé que Sigismond demanda à Alberti, qui transforma dans ce dessein la vieille église Saint-François de 1447 à 1468. Ce n'est plus un édifice religieux, comme le dénonçait Pie II, mais un « déploiement d'architecture et de symbolique à des fins de glorification personnelle. » Les ravissants reliefs d' Agostino di Duccio (1418-1481) complètent un ensemble représentatif au plus haut point des raffinements savants de la Renaissance italienne.
Dans la plaine, à l'abri des marais, Ferrare, la cité du silence, comme l'appelle D'Annunzio, a gardé ses grandes perspectives muettes et, derrière ses murs, les jardins clos des héros de Giorgio Bassani. Au nord de la ville, l'« Addizione Erculea » que fit construire Hercule Ier d'Este sur les plans de Biagio Rossetti (1471-1515), avec ses palais (palais des Diamants, palais de Ludovic le More) et ses « vie piane, grandi come fiumane » (« rues droites, grandes comme des fleuves »), n'a pas changé depuis le xve siècle. Mais la ville n'est plus ce monde de fête que créèrent, pour la famille d'Este, les artistes ferrarais : Cosmè Tura (1430 env.-1495) au trait cruel, presque outré, mais à la force constructive et à l'imagination colorée ; Francesco Del Cossa (1436 env.-1478 env.) qui, au palais de Schifanoia, mêle les représentations savantes des humanistes à la peinture brillante de la vie de cour et au charme des scènes champêtres ; Ercole de' Roberti (1456 env.-1496) qui continuera son œuvre à Bologne ; Dosso Dossi (1479 env.-1542 env.) dont les personnages évoluent dans des paysages inquiétants chargés de magie.
Parme et Bologne
Parme, le fief des Farnèse, ville moderne qui a moins d'unité que Bologne, n'est pas cette cité imaginaire au nom « compact, lisse, mauve et doux » que Proust colorait de douceur stendhalienne et du reflet des violettes. Pourtant c'est un peu dans le monde du rêve que nous transporte Corrège. L'admiration suscitée par Antonio Allegri, dit Corrège, a été presque un lieu commun depuis l'émotion d'Annibal Carrache devant la coupole de Parme jusqu'à l'émerveillement de Verdi, écho de celui du président de Brosses ou de Delacroix. Sa peinture, après la gravité austère d'un Mantegna (1431-1506), est comme un hymne de joie. Sous la pergola de la chambre de l'abbesse de Saint-Paul (1518-1519), dansent les amours aux tendres formes potelées et les seize lunettes monochromes les nimbent d'une précieuse couronne d'ivoire et de perles. À la coupole de Saint-Jean, le peintre, premier baroque, jette ses personnages dans l'infini des nuées. Mais son chef-d'œuvre est la coupole de la cathédrale (1526-1530). Sur un fond gris azur, dans un tourbillon de draperies colorées, dans le fourmillement rose et blond des chairs, avec des raccourcis audacieux, les anges, les apôtres et les saints célèbrent l'assomption de la Vierge. L'œuvre de son disciple, Parmesan, qui a décoré la Madone de la Steccata et les plafonds du château de Fontanellato, a[...]
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Écrit par
- Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE : conservateur de la bibliothèque de l'École française de Rome
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