DANTE EMMA (1967- )

Emma Dante est une comédienne, dramaturge, metteuse en scène de théâtre et d’opéra, auteure et cinéaste italienne. Née le 6 avril 1967 à Palerme, où elle effectue ses études secondaires, elle entre en 1987 à l’Académie nationale d’art dramatique Silvio-D’Amico de Rome. Après avoir été comédienne au sein du Gruppo della Rocca à Turin, elle retourne en Sicile à la fin des années 1990, fondant sa compagnie, Sud Costa Occidentale, dans une cave, La Vicaria – du nom d’une ancienne prison et lieu de procès de femmes accusées de sorcellerie. À partir de 2001, c’est à Palerme qu’elle a élaboré avec ses acteurs des spectacles joués partout en Europe. Dès 2014, toujours dans cette ville, elle devient metteuse en scène associée au Théâtre Biondo, au sein duquel elle crée une école, qu’elle dirige, pour les acteurs.

Une création collective

Que ce soit au théâtre, au cinéma ou à l’opéra, les spectacles proposés par Emma Dante sont le fruit de créations collectives : avec sa fidèle équipe, les textes et les actions des personnages naissent des improvisations des interprètes, co-auteurs de ces traversées sur un terrain de jeu inventé, à partir d’un thème qui s’enrichit progressivement. Les acteurs, explique la dramaturge, se transforment en éléments naturels, vivent et brisent les contradictions du quotidien, entre raison et folie, force et faiblesse : « Ils peuvent se battre à l’épée, danser, chanter, crier, argumenter, régresser jusqu’à devenir des singes, pleurer, ricaner comme une sorcière, devenir fous et bouger comme des poupées, se transformer en caoutchouc, créant à mains nues une histoire de mouvement et d’air. »

Emma Dante pratique un théâtre politique de confrontation sociale dont le cadre privilégié est l’Italie du Sud, la Sicile, et plus particulièrement Palerme et Naples. Ses projets, qu’elle revendique comme populaires, au sens noble du terme (issus du peuple), révèlent un attachement aux traditions et une ouverture aux autres, dans un contexte où les différentes formes de violence sont légion. La metteuse en scène convoque la vie de ces communautés du sud de l’Italie, qu’elle connaît depuis son enfance. Elle aime écrire avec ironie et espièglerie des tragédies qui traitent des grands thèmes de l’humanité : la violence contre les femmes, la marginalisation, le refus de la diversité, la discrimination et l’inégalité des droits humains constituent ses sujets de prédilection.

C’est donc logiquement pour Emma Dante que le dialecte fonde le matériau de ses créations : la langue, souvent maternelle, issue des traditions et des us et coutumes d’une communauté y est explorée et continuellement revisitée. La dramaturge a le plus souvent recours aux dialectes de l’Italie du Sud, ainsi qu’au langage physique, réalité très méridionale. Dans les histoires racontées par ses personnages s’impose une part grotesque, incorrecte : ces fictions ne ressemblent pas à la réalité, elles en sont une évocation, une interprétation inconfortable, aberrante, qui indisposent sciemment le spectateur. D’autres médias et d’autres arts sont convoqués, du cirque à la danse en passant par le mime, non sans rappeler les créations du dramaturge et metteur en scène polonais Tadeusz Kantor – auquel Emma Dante se réfère souvent –, flirtant sans cesse entre vie débridée et mort.