ASTIER DE LA VIGERIE EMMANUEL D' (1900-1969)
Journaliste, fondateur d’un des trois grands mouvements de résistance en zone sud, ministre de l'Intérieur comme deux de ses aïeux maternels au xixe siècle, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, dernier fils du baron Raoul Olivier d'Astier de la Vigerie, partage avec ses deux frères aînés l'honneur d'être compagnon de la Libération et de former la plus nombreuse des neuf fratries dans l'ordre fondé par le chef des Français libres.
Né à Paris le 6 janvier 1900, Emmanuel d'Astier intègre le corps des officiers de marine à sa sortie de l'École navale. Il en partage des préjugés de caste, mais en démissionne avant d'épouser, le 2 mars 1931, l'ex-belle fille du président Roosevelt. Devenu journaliste, il collabore à Marianne, Lu, Vu et au Time. Mobilisé en août 1939 dans la Royale, il dirige un centre de renseignements maritimes à Lorient puis est rattaché au cinquième bureau replié à Port-Vendres en juin 1940. Dès septembre, refusant la défaite, il fonde l'éphémère groupe La Dernière Colonne. Après avoir gagné Clermont-Ferrand, il devient le clandestin « Bernard » et constitue, avec Jean Cavaillès et Lucie Aubrac, le mouvement Libération. Il reviendra à Jean Moulin d’unir ses forces à celles de Combat et de Franc-Tireur. Avant que n'existent l’Armée secrète et les Mouvements unis de Résistance (constitués en 1943), Libération, par son journal clandestin (le premier numéro paraît en juillet 1941) et avec ses corps francs, illustre l'activisme des résistants.
En mai 1942, d'Astier a rencontré à Londres le général de Gaulle, qui lui a fait plaider auprès de Roosevelt la cause des Français libres. C'est aussi parce qu'il a accompli plusieurs voyages clandestins depuis la France occupée que d'Astier est chargé, en janvier 1944, de persuader Winston Churchill qu'il est utile d'armer les maquis français. Mais la rencontre ne bouleverse qu'à la marge la stratégie du haut commandement allié. Commissaire à l'Intérieur du Comité français de libération nationale à Alger depuis novembre 1943, il prépare, notamment avec Raymond Aubrac, les instructions des commissaires de la République. Il se rallie à l'idée d'une insurrection nationale très limitée dans le temps (48 à 72 heures au maximum). Le but gaullien est clair : par l'ordre maintenu et par des cadres issus de la Résistance ou acceptés par elle, témoigner que la France souveraine n'a nul besoin d'une administration militaire alliée (Allied Military Government for Occupied Territories, AMGOT). Après la création du gouvernement provisoire de la République française en juin 1944, Emmanuel d’Astier devient ministre de l’Intérieur. Ayant joué sa partie dans l'échec de l'AMGOT, il refuse un poste d'ambassadeur à Washington quand le gouvernement est remanié (9 septembre 1944).
Membre de l’Assemblée nationale constituante sur une liste présentée par le Parti communiste français (PCF), d'Astier est député d'Ille-et-Vilaine de 1945 à 1958. Il préside le groupe des Républicains progressistes de l'Assemblée nationale et de Gaulle déplore de n'avoir pu le détourner des jeux politiques. Mais, remarié dès août 1947 avec Louba Krassine, fille d'un ministre de Lénine devenu le premier ambassadeur d'URSS en France, le compagnon de route attend « un mouvement des hommes vers une dignité commune ». Il reste un esprit libre : dès 1955, un de ses personnages dans L'été n'en finit pas énonce : « D'Astier, c'est pour moi un mystère. Je ne comprends pas son entêtement auprès des communistes » ; son roman s'achève d'un vœu gaullien : « On ne peut détester aucun homme. On ne peut même le négliger, quelque combat qu'on mène contre lui ou contre son esprit, parce que, en fin de compte, il faut réunir. » Faisant[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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