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HÉRÉ DE CORNY EMMANUEL (1705-1763)

Élève de Germain Boffrand, qu'il avait connu lors des travaux de ce maître en Lorraine, le Nancéien Héré fut le principal architecte de Stanislas Leszczyński, roi de Pologne et duc de Lorraine, qui était animé d'une frénésie de bâtir égale à celle des plus puissants souverains de l'époque. Sur les conseils vigilants de Stanislas qui suit de très près tous les travaux, Emmanuel Héré crée à Lunéville et à Nancy (la résidence et la capitale du duc) une œuvre importante et homogène qui compte parmi les plus heureuses réussites de l'architecture du xviiie siècle. Sa première grande réalisation à Nancy est l'église Notre-Dame-du-Bonsecours (1738-1741), destinée à recevoir les cénotaphes du duc et de son épouse. La décoration intérieure y est fortement influencée par les habitudes rococo de l'art d'outre-Rhin et contraste avec le classicisme mesuré et élégant de la façade. Le goût de Stanislas, tempéré par l'exemple impérieux du style équilibré de Boffrand, explique la manière très personnelle de Héré : son architecture, empreinte de fantaisie et de grâce, met cependant toujours en valeur les structures qui sont clairement exprimées.

Mais c'est une fantaisie presque débridée qui caractérise d'abord l'aménagement des résidences ducales, où les parcs, transformés en élysées pittoresques, s'emplissent de fabriques inspirées de l'Orient. À Lunéville, Héré construit le kiosque turc, le trèfle chinois, le hameau avec son moulin et ses automates mus par l'eau, le pavillon de la cascade, celui de Chanteheux ; à Einville, ce sont d'autres chinoiseries ; à Commercy, les écuries et la colonnade hydraulique, etc. Ensemble pastoral et charmant dont, quarante ans plus tard, Richard Mique (Nancéien et élève de Héré) se souviendra pour les petites constructions que lui commande Marie-Antoinette. Le château que Héré construit à La Malgrange, aux portes de Nancy, n'échappe pas à ce pittoresque et l'architecte en fait une sorte de trianon de porcelaine. Toutes ces constructions, le plus souvent légères, furent détruites après la mort de Stanislas (1766), mais leur souvenir survit dans les planches gravées par Héré dans son Recueil de plans et élévations des châteaux, jardins et dépendances que le roi de Pologne occupe en Lorraine (1750).

Le caractère politique, mais aussi édilitaire, de l'œuvre entreprise à Nancy (1752-1755) permit à Héré de concevoir un ensemble monumental qui servira de modèle à bon nombre de capitales européennes : la place Royale (aujourd'hui place Stanislas) prolongée par la place de la Carrière et par celle du Gouvernement, décorées toutes les trois de façades d'hôtels et de palais, d'arcs de triomphe et de groupes sculptés, dus aux meilleurs artistes lorrains, Guibal et Cifflé. Cet ensemble, complété par les grilles forgées par Jean Lamour, avait le mérite, outre celui d'être un décor définitivement fixé dans la pierre, de doter la ville d'édifices publics adaptés à son développement (hôtel de ville, hôtel du gouvernement, hôtel de l'intendant, hôtel des fermes, collège de médecine, salle de spectacle) et d'imposer un tracé régulateur pour son extension future. La place de l'Alliance (1753), décorée par Héré de façades plus sobres mais tout aussi harmonieuses, amorçait l'extension de la ville vers l'est. L'œuvre de Héré à Nancy demeure le plus bel exemple d'urbanisme baroque que la France ait connu.

— Daniel RABREAU

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux

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