SOUGEZ EMMANUEL (1889-1972)
Fils de vannier, Emmanuel Sougez naît à Bordeaux en 1889. Inscrit à quinze ans à l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, il abandonne rapidement ses études pour se consacrer à la photographie et, de 1905 à 1914, voyage en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Photographe illustrateur à Paris dès 1919, il réalisera aussi de nombreuses publicités (Nestlé, Rodier, Dunhill, Roquefort...) qui contribueront à le rendre célèbre. La reproduction des œuvres d'art et des monuments sera l'une de ses passions et de ses spécialités. Dans les années 1930, il photographiera ainsi les sculptures du Louvre et publiera divers ouvrages – Paris ville d'art, Notre-Dame de Paris, Sculptures de Rodin –, puis, après la Seconde Guerre mondiale, Arts de l'Afrique Noire, Arts de l'Océanie...
En 1926, il fonde le service photographique du journal L'Illustration, qu'il dirige jusqu'en 1944, et réalise de nombreux reportages liés à l'actualité : camouflage des monuments de Paris, retour des mobilisés, libération de Paris... Il contribue par ailleurs à la promotion du procédé technique couleur Finlay en France en 1928. Charles Peignot, directeur de la revue Arts et Métiers Graphiques, fait appel à lui pour la sélection des images du supplément Photographie du 15 mars 1930, numéro qui s'impose immédiatement comme le manifeste de la Nouvelle Photographie. Ses œuvres commencent à être sélectionnées régulièrement, notamment pour La Publicité par la photographie présentée à la galerie d'Art contemporain (1931), pour l'Exposition internationale de la photographie contemporaine (1936), et pour Portraits d'écrivains à la galerie La Pléiade (1937), tandis que le Studio Saint-Jacques (1933) et la galerie Le Chasseur d'Images (1937) organisent ses premières expositions personnelles.
Proche du formalisme d'Albert Renger-Patzsch et des exigences esthétiques d'Edward Weston, Emmanuel Sougez s'impose comme le chef de file de la « photographie pure », pendant français de la Nouvelle Objectivité allemande et de la Straight Photography américaine. Adepte des compositions rigoureuses, des lignes nettes et du rendu précis des matières, ce perfectionniste est l'auteur de natures mortes impeccables tirées par contact de ses négatifs 30 × 40 (Les Sardines I, 1932 ; Satin et plumes, 1933 ; Trois Poires, 1934). De sa collaboration avec le modèle Assia qui le fascine restent des nus académiques baignant dans des clairs obscurs soignés (Nu à la mèche, 1933 ; Assia se peignant, 1935 ; Repos, 1935).
En 1936, le très charismatique photographe fonde le groupe Rectangle auquel participent notamment Pierre Jahan et René-Jacques, pour défendre la tradition artisanale française contre « cette vague de vagues photographes étrangers et souvent improvisés qui, depuis dix ans déferle sur Paris, lui imposant d'infâmes images sans valeur ni soin ». L'association se transforme en Groupe des XV en 1946, année durant laquelle Sougez crée son propre atelier qui fonctionnera jusqu'en 1955.
Critique et théoricien, Emmanuel Sougez écrit dans de nombreuses revues, participe à L'Histoire de la photographie de Raymond Lecuyer (1945) et adapte en français l'Histoire mondiale de la photographie de Peter Pollack (1961). Il est aussi l'auteur de Regarde (1930), Alphabet (1932), La Photographie son histoire (1968) et La Photographie son univers (1969). Un an avant sa mort en 1972, il lègue 169 clichés à la Bibliothèque nationale. 15 000 négatifs ont été déposés depuis par sa fille au musée de Bièvres. Une rétrospective – Emmanuel Sougez, l'éminence grise – lui fut consacrée par le Centre national de la photographie au palais de Tōkyō en 1993.
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Écrit par
- Armelle CANITROT : journaliste et critique photo
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