VATTEL EMMERICH DE (1714-1767)
Publiciste et diplomate suisse. Né à Couvet dans la principauté de Neuchâtel, Vattel est le fils d'un pasteur de l'Église réformée. Poussé par son père à embrasser la même carrière, il fait ses humanités à l'Université de Bâle, puis étudie à Genève (1733) la théologie et la métaphysique. La lecture des œuvres de Leibniz et de Christian Wolff va décider de son orientation. Il dédie à Frédéric II sa Défense du système leibnizien (1741). Conseiller d'ambassade, puis ministre accrédité de l'Électeur de Saxe à Berne, il se consacre pendant neuf ans à ces fonctions, écrit de nombreux ouvrages (poésie, morale, philosophie) et publie, en 1758, son traité du Droit des gens ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains. La guerre de Sept Ans qui sévit alors entre la Prusse et l'Autriche incite le roi de Saxe, allié de Marie-Thérèse d'Autriche, à rappeler près de lui Vattel pour le nommer conseiller privé du Cabinet. Épuisé, il meurt à Neuchâtel à l'âge de cinquante-trois ans. Ses nombreuses activités, sa profonde connaissance des affaires publiques ont sans doute contribué à faire de son Droit des gens... un chef-d'œuvre de clarté et de précision, qualités grâce auxquelles Vattel l'emporte sur Grotius, Pufendorf et Wolff. En contrepartie, le temps et la réflexion lui ont manqué pour faire vraiment œuvre originale. Il est vrai qu'il souhaite simplement développer et rendre accessibles aux gouvernants les solutions positives déduites des principes posés par d'autres (Grotius et, surtout, Wolff). Ainsi qu'il l'annonce dans sa préface : « Le droit des gens est la loi des souverains. C'est pour eux principalement et pour leurs ministres qu'on doit l'écrire. » Le but visé est atteint : pendant plus d'un siècle, son autorité dans le monde diplomatique et politique sera considérable. Son influence s'exercera surtout en Angleterre et aux États-Unis, où ses principes seront souvent cités par les juges fédéraux. Ayant acquis à la lecture de Leibniz un optimisme inépuisable, Vattel développe, sur les rapports entre nations, sur la souveraineté, sur le droit des peuples, des idées qui, malgré leur formulation encore ambiguë, serviront à fonder la doctrine libérale. Réagissant contre la théorie du droit naturel pur enseignée par Pufendorf, il revient partiellement aux principes de Grotius, de Zouch et de Wolff, en séparant droit naturel (ou droit des gens nécessaire) et droit des gens volontaire. Le premier, « fondé sur la nature de l'homme et des choses », est immuable et doit être considéré comme une sorte de « code de moralité » international ; les nations se doivent de l'observer mais ne peuvent l'imposer aux autres. Le droit des gens volontaire, par contre, est fait de règles, conventions, accords, dont chaque État peut exiger le respect : « Toute nation qui se gouverne elle-même, sous quelque forme que ce soit, est un État souverain. » Les conséquences sont importantes et nombreuses. L'idée de non-intervention, dégagée plus tard par Kant, est déjà en germe dans cette phrase. De même, la notion des intérêts propres à chaque État en découle. Fondées sur le principe du contrat social, les nations doivent avoir pour but essentiel « le salut, le bonheur, et le bien commun de tous les citoyens ». L'influence de Leibniz est ici particulièrement sensible. Elle l'est également, tout comme chez Wolff, dans l'idée de contribution de chaque nation « au bonheur et à la perfection des autres ». Cependant, alors que Wolff en dégageait la nécessité d'une civitas gentium maxima, véritable république des nations fondée sur le consentement de ses membres, Vattel, trop attaché à l'indépendance de chaque État, repousse cette idée.[...]
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Écrit par
- Patricia BUIRETTE : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne
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