ÉMOTION (notions de base)
Le rôle du corps dans nos émotions
Beaucoup ont cependant reproché à Freud d'affecter une fonction insuffisante au corps, et au cours des deux derniers siècles philosophes et psychiatres ont tenu à lui redonner toute sa place dans les processus de l’émotion.
William James (1842-1910) fut en ce domaine un incontestable précurseur. Dans sa Théorie de l’émotion (1902), il propose un exemple resté célèbre, celui de la peur de l’ours. Si nous rencontrons un ours dans la forêt, écrit William James, nous ne fuirons pas parce que nous avons peur, mais nous aurons peur parce que nous fuirons. C’est le réflexe non émotionnel de la fuite qui provoquera des transformations corporelles (accélération cardiaque, transpiration, etc.), et c’est l’enregistrement par la conscience de ces modifications qui déclenchera l’émotion de la peur. « Quelle émotion de peur resterait-il, nous demande William James, s’il n’y avait ni sensation de battements de cœur ou de respiration peu profonde ni sensation de chair de poule ou d’agitations viscérales ? »
C’est dans une perspective différente que le psychiatre Pierre Janet (1859-1947) théorisera les émotions. Selon lui, l’émotion surgit lorsque nous sommes incapables de réveiller les anciennes tendances qui nous permettraient d’agir efficacement. Elle est donc un « ensemble de troubles » causant des défaillances langagières (gêne de la parole, bégaiement, etc.) et intellectuelles (doutes, confusions, rétrécissement du champ de la conscience) qui ont pour effet une « impuissance à s’adapter à la situation présente », note-t-il dans son Traité de psychologie (1923). Cette explication prend le contrepied des thèses de Charles Darwin (1809-1882) développées cinquante ans plus tôt. Pour le créateur de la théorie de l’évolution, les émotions, loin d’être des dérèglements ou des troubles, ont deux caractéristiques : elles sont universelles (on les retrouve dans toutes les cultures et tous les pays) et adaptatives, dans la mesure où elles auraient favorisé la survie de l’espèce en permettant aux individus de répondre de façon appropriée aux exigences environnementales.
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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