GHANA EMPIRE DU
Un empire militaire
C'est vraisemblablement dans le courant du viiie siècle, du fait de l'impact de l'islam (expédition militaire de Habib ben Abī Ubaida en 734) et de l'afflux des commerçants arabo-berbères, qu'un État s'y construisit. Le caractère païen que garda cette monarchie rend fragile l'hypothèse de la conquête par une minorité blanche. Il est probable que le clan soninké des Sisé, sans doute précocement lié aux étrangers, prit en charge le contrôle des routes commerciales et fonda ainsi son pouvoir politique. La résidence de son chef semble avoir varié, mais la tradition médiévale lui attribue le nom de Kumbi et c'est sans doute à Kumbi Saleh qu'elle est restée fixée le plus longtemps.
Ghāna a peut-être été l'un des titres du souverain du Wagadu, cependant le fait n'est pas assuré. L'explication la plus vraisemblable de ce mot est qu'il provient du berbère agane désignant la brousse, dont la maigre végétation s'oppose aux étendues dénudées du désert. Il évoquerait donc parfaitement le pays sahélien des Soninké. C'est en tout cas ce nom qui a donné naissance au Moyen Âge à celui de Guinée, dont l'acception fut bientôt étendue aux pays humides et forestiers du Sud.
L'État qui se forma ainsi était essentiellement militaire et sa puissante cavalerie lui assura une prépondérance écrasante sur les masses paysannes qui ignoraient encore toute organisation étatique. L'autorité des conquérants paraît s'être rapidement étendue sur tout le Sahel, entre le haut Sénégal et le haut Niger d'une part, le Sahara et la latitude de Bamako de l'autre. Vers le nord-ouest, sur la route des caravanes, les populations noires et berbères coexistaient dans le Tagant et l'Aouker, où avait grandi le centre commercial d'Awdaghost, qui correspond à peu près certainement aux ruines de Tegdawst. De ce côté, les Sanhadja, tardivement convertis à l'islam, étaient peu disposés à se soumettre. Profitant de leurs dissensions, le souverain du Ghāna réussit pourtant, vers 990, à occuper Awdaghost et à leur imposer son autorité. L'empire à son apogée avait ainsi atteint son extension maximale.
En raison de son étendue et de la domination militaire qu'il a exercée, il paraît légitime d'employer le mot d'empire pour désigner le Ghāna. Il s'agissait d'un État soninké, car son homogénéité ethnique paraît avoir été très grande ; les seuls éléments allogènes étaient les commerçants arabo-berbères et, probablement, des pasteurs peuls. Ses structures étaient typiquement africaines, l'influence étrangère ayant seulement servi de catalyseur. Le peu que l'on en sait évoque l'une de ces monarchies sacrées qui sont communes en Afrique. Le souverain fondait son pouvoir sur le culte d'un dieu-serpent, le Wagadu-Bida, qui subsiste dans la tradition orale moderne. Il portait le titre de kaya-magan, c'est-à-dire « maître de l'or », ou celui de tunka, qui sert toujours aux chefs des Soninké. Il appartenait sans doute au clan des Sisé et ses dépendants formèrent celui des Tunkara, encore fort répandus.
On ignore à peu près tout de l'organisation de l'empire, mais il semble acquis que l'idée d'État a connu alors une diffusion considérable. Des royaumes subordonnés se sont constitués surtout dans les marches frontières, particulièrement dans le Sud, où allait bientôt apparaître le Mali. La différenciation de la société s'est accentuée : un groupe de clans nobles, les Wago, entourait le souverain, l'esclavage occupa alors les positions qu'il a conservées dans la civilisation dite néo-soudanaise jusqu'à la colonisation.
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Écrit par
- Yves PERSON : professeur à l'université de Paris-I
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