OTTOMAN EMPIRE
De l'Empire ottoman à la République turque
Le règne d’Abdülhamid (1876-1909)
De 1875 à 1878, l’Empire ottoman traverse l’une des plus graves crises de son histoire. Elle débute à l’été de 1875 par une révolte des paysans chrétiens de l’Herzégovine, révolte qui se propage en Bosnie puis en Bulgarie, et débouche sur une guerre avec le Monténégro et la Serbie (juillet 1876). À cela s’ajoute la banqueroute financière de l’État qui suscite la colère des créanciers européens. En mai 1876, le sultan Abdülaziz est déposé au profit de son neveu Murad, lequel s’avère inapte à régner et est remplacé à la fin août par son frère Abdülhamid. Au cours des premiers mois de son règne, le sultan est soutenu par l’aile libérale des hommes d’État ottomans, Midhat pacha en tête. Celui-ci élabore une Constitution, compromis entre la tradition autoritaire du système ottoman et un régime parlementaire, qui est promulguée en décembre 1876 en même temps que Midhat est nommé grand vizir. Pendant ce temps, les grandes puissances pressent le gouvernement ottoman d’entreprendre des réformes en faveur des chrétiens ; leurs démarches s’avérant infructueuses, la Russie lui déclare la guerre en avril 1877.
Isolé diplomatiquement, l’Empire s’effondre face aux armées russes. Au Congrès de Berlin (juin-juil. 1878), il cède à la Russie deux provinces en Anatolie orientale ; dans les Balkans, la Serbie et la Roumanie sont définitivement indépendantes, la Bosnie-Herzégovine est occupée par l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie devient une principauté autonome. L’Empire doit payer une lourde indemnité de guerre à la Russie et entreprendre des réformes dans les provinces arméniennes. En outre, il lui faut faire face à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés des territoires perdus, et, pour comble, il doit céder Chypre au Royaume-Uni.
Malgré ces désastres, Abdülhamid parvient à s’imposer à la tête de l’État : dès février 1877, il envoie en exil Midhat pacha ; en 1878, il se débarrasse du Parlement, suspend la Constitution, réprime les libéraux et met en place des hommes à lui. Il fait de son nouveau palais, installé sur les collines de Yildiz, le centre de décision politique au détriment de la Sublime Porte, le siège du gouvernement. Il instaure un régime qui repose sur la police, l’espionnage, la censure, le contrôle étroit de la bureaucratie, de l’armée et de l’institution religieuse. Il s’appuie sur les notables conservateurs de province, et privilégie l’Anatolie et les provinces arabes. Plutôt que la sécularisation à la mode des Tanzimat, il met l’accent sur l’islam et promeut l’institution du califat.
En même temps, il poursuit la politique de centralisation et de réforme de l’État engagée par ses prédécesseurs : modernisation de la justice, de la bureaucratie civile, de l’enseignement. Il met fin à la crise financière en créant, en 1881, l’administration de la Dette publique, encourage les investissements étrangers pour développer l’économie et construire des voies ferrées, dont la ligne Berlin-Bagdad (le « Bagdadbahn ») dont les travaux débuteront en 1903. Il modernise l’armée grâce à l’aide de la mission militaire allemande et de Colmar von der Goltz. En sa qualité de calife, il multiplie les activités de bienfaisance (construction de mosquées, d’écoles, d’hôpitaux, d’hospices), cherche à contrôler les populations marginales (nomades, hétérodoxes, chiites d’Irak, etc.) et fait construire le chemin de fer du Hedjaz. Sur le modèle des Cosaques, il crée en 1891 les régiments kurdes Hamidiye pour contrôler les frontières orientales et surveiller les Arméniens, et fonde l’année suivante l’École des tribus, destinée à former des cadres administratifs pour les nomades et semi-nomades.
Cependant, les difficultés s’accumulent. L’émergence du nationalisme[...]
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Écrit par
- François GEORGEON : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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APOGÉE DE L'EMPIRE OTTOMAN - (repères chronologiques)
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ABDALLAH ou ABD ALLAH (1882-1951) roi de Jordanie (1946-1951)
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