EN THÉRAPIE, série télévisée
En temps de pandémie, il était difficile de trouver un concept de série télévisée plus adapté que celui d’En thérapie (coproduction Les Films du poisson, Arte France, Federation Entertainment et Ten Cinéma). Du lundi au jeudi, le psychanalyste Philippe Dayan (interprété par Frédéric Pierrot) reçoit des patients dans son cabinet parisien pour y conduire des séances visant à éclairer les zones d’ombre d’un quotidien devenu anxiogène. Le vendredi, c’est Philippe Dayan lui-même qui consulte : l’écoute attentive d’Esther (Carole Bouquet), sa « contrôleuse », lui permet alors de faire le point sur ses patients, mais aussi d’évoquer sa vie de couple qui part à la dérive. Un psychanalyste et son ou ses patients réunis dans une même pièce (la série dispense tout de même quelques plans extérieurs), de longues discussions filmées en champ-contrechamp, un format réduit à une vingtaine de minutes par épisode : la première saison d’En thérapie a beau avoir été tournée avant le premier confinement de 2020, sa diffusion sur Arte, en février et mars 2021 s’ancre dans le réel de manière saisissante.
Un passé à double fond
La série s’arrime pourtant à un passé difficile à ignorer. En 2005, la fiction israélienne BeTipul pose les fondations de ce qui deviendra rapidement un succès international à travers une quinzaine de déclinaisons en Pologne, en Serbie, aux Pays-Bas, en Argentine, au Japon, au Québec, et, bien sûr, aux États-Unis qui, de Homeland (2011-2020) à Euphoria (2019-), ont bâti de nombreux succès télévisuels à partir de créations originales israéliennes. À quelques détails près, En thérapie met en scène les mêmes patients et analyse les mêmes blocages psychologiques que ses prédécesseurs : Ariane (Mélanie Thierry), chirurgienne trentenaire amoureuse de son thérapeute bien plus âgé, Adel (Reda Kateb), policier de la BRI hanté par les violences de son métier qui le renvoient à une enfance marquée par un massacre, Camille (Céleste Brunnquell), jeune nageuse de haut niveau victime d’un accident de vélo qu’elle a peut-être volontairement provoqué, puis Léonora et Damien (Clémence Poésy et Pio Marmaï), un couple qui joue devant le docteur Dayan une interminable séparation après s’être pourtant longuement battu pour tenter de mettre au monde un deuxième enfant. S’ajoute à ces patients Esther, « contrôleuse » de Dayan (elle s’assure du bon déroulement des analyses qu’il conduit auprès de ses patients), mais aussi son amie et la veuve d’une grande figure du milieu psychanalytique.
Une différence de taille permet tout de même à En thérapie de se distinguer des autres remakes qui l’ont précédée. Elle repose sur sa localisation géographique et temporelle : le cabinet du psychanalyste se trouve à une centaine de mètres du Bataclan, et la première séance de la série se tient le lundi 16 novembre 2015, soit trois jours après les attentats terroristes qui ont semé le chaos et la mort dans la salle de spectacle parisienne. L’ingéniosité des deux scénaristes principaux de la série, David Elkaïm et Vincent Poymiro, est de ne pas faire de cet événement un enjeu central du récit, à la différence de Criminal: France, déclinaison française d’une anthologie de Netflix dont le premier épisode, à travers le récit d’une des protagonistes, n’hésitait pas à revisiter l’assaut du Bataclan pendant une quarantaine de minutes. Ce drame fait partie du quotidien des patients que reçoit Dayan dans son cabinet, et lui-même ne peut y rester insensible. Sont particulièrement concernés Ariane et Adel, l’une pour avoir soigné des victimes de ces attentats pendant les quarante-huit heures qui ont suivi, l’autre pour être intervenu avec son équipe dans le Bataclan, la nuit de l’attaque. Si les personnages de fiction cinématographique ou télévisée semblent parfois coupés du monde sociopolitique qui les entoure,[...]
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Écrit par
- Benjamin CAMPION : docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, enseignant contractuel à l'université Paul-Valéry-Montpellier III
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