ENA (École nationale d'administration)
La vive attention dont l'École nationale d'administration est l'objet est sans doute un signe éclatant de la réussite de cette institution : ses anciens élèves dirigent l'Administration, sont à la tête des entreprises publiques, s'intègrent dans le secteur privé, et surtout ont investi la classe politique. En dépit de ce succès, ou plutôt à cause de lui, l'E.N.A. a aujourd'hui de nombreux détracteurs, qui voient en elle le symbole de la technocratie ; certains réclament même sa suppression. Relever l'emprise de la haute Administration sur le pouvoir politique, du fait de l'« énarchisation » des états-majors des grands partis politiques, est devenu banal. Que l'on dénonce les dangers de l'ère des « jeunes messieurs » ou que l'on salue l'avènement de la République des énarques, on ne peut rester indifférent à cet instrument de formation des élites politico-administratives.
L'École nationale d'administration a été créée par une ordonnance du général de Gaulle (9 oct. 1945) en vue d'unifier le recrutement et d'assurer la formation des fonctionnaires destinés à constituer les cadres supérieurs de l'Administration. Si la paternité de cette institution peut être attribuée à Michel Debré, l'idée d'une telle école n'était pas nouvelle. Déjà, Napoléon avait considéré que le Conseil d'État devait jouer le rôle d'école d'administration pour les jeunes auditeurs. Plus tard, la IIe République avait, à l'instigation d'Hippolyte Carnot, créé une éphémère École nationale d'administration. Sous la IIIe République, plusieurs projets furent étudiés, en particulier dans les années 1936-1938 sous l'impulsion du ministre Jean Zay.
Dans l'esprit de ses promoteurs, la création de l'E.N.A. répondait à trois objectifs. En premier lieu, il s'agissait de réformer le mode de recrutement des grands corps de l'État (Inspection des finances, Conseil d'État, Cour des comptes...) et des cadres supérieurs des administrations centrales, qui reposait sur de multiples concours et qui conduisait à une différenciation des formations ainsi qu'à un cloisonnement excessif. Ensuite, le second objectif de la création de l'E.N.A. était la démocratisation de la haute fonction publique par la diversification sociale et géographique de son recrutement. À l'origine, en effet, l'accès à l'E.N.A. s'effectuait selon deux voies : un premier concours aux étudiants ayant obtenu certains diplômes de l'enseignement supérieur, un second réservé aux fonctionnaires, quel que soit leur grade, n'ayant pas suivi la voie universitaire mais réunissant une certaine durée de service. La loi du 19 janvier 1983 a instauré une troisième voie d'accès à l'E.N.A. ouverte à des élus locaux, syndicalistes et membres d'associations ayant exercé leur mandant pendant au moins huit ans. Enfin, un troisième objectif était la formation des fonctionnaires avant leur entrée en service public.
S'il est difficile de suivre l'affirmation des auteurs d'un pamphlet acerbe (L'Énarchie, 1967) qui présentaient l'E.N.A. comme « une école qui n'existe pas », on doit cependant reconnaître, avec eux, que l'E.N.A. est d'abord et avant tout un concours. Depuis une réforme de 1971, deux types de concours ont été institués à l'E.N.A., l'un juridique et l'autre économique, visant à établir une spécialisation plus poussée et abandonnant la polyvalence des généralistes éclairés, qui se traduisait dans des programmes imposés uniformément à tous les candidats. Cette réforme devait, dans l'esprit de ses auteurs, atténuer le quasi-monopole des « Sciences-po » en ouvrant un accès à ceux dont la formation initiale n'est pas celle de la rue Saint-Guillaume. En 1990, une nouvelle voie de[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MAITROT : professeur de droit public à l'université de Paris-V-René-Descartes
Classification
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