ENCADREMENT DES ŒUVRES, histoire de l'art occidental
Cadres romantiques
La révolution technique qui permit une mutation du goût en matière d'encadrement date des environs de 1765, avec l'invention des mastics. C'est la fin du bois sculpté : avec le mastic et le plâtre moulé, le cadre du xixe siècle, s'il perdit en qualité et en résistance, gagna en exubérance et accompagna les audaces de la révolution romantique. Un néo-baroque, un néo-gothique ou un néo-Louis XV purent se développer, notamment dans les collections particulières. Les motifs héraldiques, la végétation, les frises géométriques courent le long de cadres extrêmement lourds, fixés sur les murs aussi solidement que les tableaux, pour assurer la sécurité des toiles. Le cadre historiciste accompagna soit des œuvres anciennes (la National Gallery de Londres en conserve un autour du Saint Georges de Pisanello, conçu pour mettre l'œuvre en situation avec le nom de l'artiste et la reproduction d'une de ses médailles), soit de petites scènes troubadour (par exemple le Paolo et Francesca d'Ingres, au musée Turpin de Crissé d'Angers). C'est l'Italie de la fin du xixe siècle qui règne sur la fabrication de ces cadres historiés qui se retrouvent dans les fonds de tous les musées du monde. On invente le cadre en cuir, en bronze ou en argent, le cadre en papier maché à bon marché. Les critiques d'art se moquent de ces éternelles pâtisseries et « chicorées » qui marquent le second Empire et l'époque victorienne.
À l'époque romantique, le cadre est par excellence le signe bourgeois de la possession de l'œuvre d'art. Balzac, dans Pierre Grassou (1839) décrit un parvenu collectionneur de croûtes sous la monarchie de Juillet : le romancier insiste, en décrivant sa galerie, beaucoup plus sur les bordures dorées où s'inscrivent en lettres noires les plus grands noms de la peinture, que sur les tableaux exposés. Le même Balzac, collectionneur de rêves et inventeur malgré lui d'un art « conceptuel », n'accrochait-il pas dans sa maison des Jardies des cadres vides dans lesquels il écrivait, au charbon, sur le mur, les noms de Giorgione ou de Raphaël ?
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Écrit par
- Adrien GOETZ : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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