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ENCEINTES

Babylone (site archéologique) - crédits : T. Koch/ Shutterstock

Babylone (site archéologique)

Le mot enceinte apparaît au xiiie siècle pour désigner une construction entourant un espace habité dont elle défend l'accès à la manière d'une clôture. Est donc essentielle pour la définition du terme l'idée de protection d'une collectivité humaine contre un ennemi. L'enceinte est donc un rempart, terme spécifiquement employé à partir du xive siècle pour une muraille ou une levée de terre défendant une forteresse ou une ville. La notion d'enceinte implique l'idée de fermeture, de sorte que des fortifications linéaires, comme celle du limes romain, ne pourront pas être qualifiées d'enceintes. Mais il existe des enceintes défendant des régions. Ainsi, en Asie centrale, de l' Antiquité au Moyen Âge, de riches oasis de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre, celles de Boukhara ou de Samarkand par exemple, furent entourées d'une enceinte qui avait une double fonction de défense contre les cavaliers nomades et de protection contre l'avancée du désert.

Dans le vocabulaire moderne, le mot enceinte a pris, par extension, un sens plus large. En principe, on n'utilisera pas le mot pour un espace agricole : on parlera d'un enclos ; mais pourtant, à propos des Longs Murs de Bitburg près de Trèves en Rhénanie, énigmatique muraille datée de la fin de l'Antiquité et enfermant un espace de 25 km sur 10 km, les archéologues se sont demandé s'il ne s'agissait pas de l'enceinte d'un domaine impérial. Par contre, le terme est largement utilisé pour désigner le mode de clôture d'un espace sacré. En Égypte, le temple est un vaste organisme qui comprend non seulement la maison du dieu, en pierre, mais aussi tous les édifices annexes liés à l'exercice du culte ; le plus souvent, une enceinte de brique délimite et protège le domaine divin. À Karnak, le grand sanctuaire d'Amon possédait une enceinte qui avait environ 2 400 m de pourtour et était épaisse de 8 m. La pratique de délimiter le domaine divin est commune à beaucoup de religions : ainsi, en Grèce, le sanctuaire de Delphes forme un quadrilatère escarpé de 180 m sur 130 m. La similitude des formes et des fonctions de défense et de délimitation – matériel dans un cas, spirituel dans l'autre – justifie ce glissement de sens. L'ambiguïté de la définition de la structure à partir de la seule analyse morphologique apparaît bien dans le cas d'une série homogène d'enceintes protohistoriques rectangulaires connues surtout en France du Nord et en Allemagne ; de forme carrée (les Allemands emploient le terme Viereckschanze) et d'une superficie de l'ordre d'un hectare, elles sont constituées d'un fossé et d'un talus dépassant rarement un mètre qui réutilise la terre du fossé, et sont implantées en position basse ; on les avait prises pour des camps de la conquête césarienne. Actuellement, l'interprétation de ces enceintes comme cultuelles paraît assurée.

Il était nécessaire de rappeler ces extensions du sens du terme pour comprendre les problèmes posés par l'étude des enceintes défensives qui, en principe, seules nous intéressent ici. Paradoxalement, eu égard à leur aspect spectaculaire et à leur fonction d'élément constituant de la ville, les enceintes sont un monument souvent mal connu, dont l'étude a souffert du discrédit de l'« histoire bataille ». L'enceinte est un élément constituant de la ville. Ainsi, dans les cités grecques, l'agora permet l'exercice des fonctions civiques, le temple de la divinité poliade et l'herôon du héros fondateur permettent celui du culte ; de même, le rempart en assure la défense et matérialise la séparation de la ville et de la campagne. À toutes les époques, la muraille a eu une valeur ostentatoire. Aristote, dans la Politique(VII, x, 8)[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Provence (Antiquités nationales)

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