ENCEINTES
Les modes de construction
La muraille d'une enceinte peut être faite de matériaux très divers (végétaux, terre, pierre) et de la combinaison de ces divers matériaux. En Afrique, à l'époque précoloniale, on a utilisé des protections végétales : les rapports coloniaux font état de véritables fortifications constituées de fourrés d'euphorbes et d'épineux dont le démantèlement fut souvent exigé par les puissances coloniales. En Europe, sur les bords de la Méditerranée ou en Asie antérieure de telles enceintes ne sont attestées ni par les textes antiques ni (encore) par l'archéologie préhistorique et historique. Mais leur existence n'est pas invraisemblable et il convient d'en maintenir l'éventualité ; alors que la plupart du temps on risque de prendre un enclos pour une fortification, dans ce cas une fortification aura toutes les apparences d'un parc.
D'une manière générale, enceinte et rempart se définissent par le soin particulier apporté à leur construction plus que par une manière spécifique de construire. Les civilisations anciennes, en particulier en Mésopotamie, ont fait largement appel à la terre. Il ne s'agit certes pas d'un matériau noble ; mais la terre présente des avantages qui ne sont pas seulement de coût, de rapidité d'exécution et d'entretien ; elle a aussi des qualités mécaniques qui expliquent que l'on continua à l'utiliser. Pausanias en rappelle les avantages : « Contre les machines [de siège], la brique offre plus de sécurité que les constructions de pierre, car les pierres éclatent sous les chocs et se disloquent aux joints » (Périégèse, VIII, viii, 6-9). Cela explique que, même à l'époque hellénistique dans les régions où la pierre abondait, on continue à utiliser la terre dans la construction des murs défensifs. Très tôt, par exemple dans le niveau II C de Troie (xxiiie siècle environ), le mur de brique crue fut édifié sur un soubassement de pierre qui empêchait l'humidité du sol de remonter. La muraille de la capitale hittite Bogazköy est construite en appareil cyclopéen de 6 m de haut ; mais les superstructures étaient en briques de terre.
En fait, dans l'état actuel de la recherche, il est très difficile d'écrire une histoire précise de l'utilisation de ce matériau comme constituant d'un rempart. Il en existe au moins trois types très différents : le torchis qui est un mélange de terre et de végétaux, la brique crue ou adobe qui est un matériau de série obtenu avec un moule à partir d'un mélange de terre et de végétaux, le pisé qui est une maçonnerie banchée de terre excluant les végétaux. Ces matériaux ont des caractéristiques propres qui peuvent donner des structures plus ou moins lourdes. Or les archéologues les ont confondus dans leurs publications et l'étude comparative des remparts de terre supposerait une reprise complète des données de fouilles.
Pendant l'âge du fer européen, l'utilisation de la terre fut combinée à celle du bois. En France, l'étude de ces fortifications a commencé au début du siècle, avec la Société préhistorique de France, qui avait créé une commission des enceintes et dressé une bibliographie complète. Il existait plusieurs familles de remparts. Les talus massifs constitués seulement de pierre et de terre sont assez rares : le plus souvent, ils constituent le renforcement d'un rempart ancien appuyé sur une armature de bois ; le rempart à poutrage interne (« type Fécamp », puis « type belge »), caractéristique de l'âge du fer en Europe, serait une réponse aux techniques romaines de siège. De même, le murus gallicus, décrit par un texte de César (Guerre des Gaules, vii, 23), paraît être le fruit d'une évolution tardive du rempart à poutrage interne ; il correspond à la période de naissance[...]
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Écrit par
- Philippe LEVEAU : professeur à l'université de Provence (Antiquités nationales)
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