ENCRATITES
Terme signifiant « les continents » (du grec enkratès) et désignant plusieurs sectes hérétiques de l'Église ancienne qui prônaient un rigorisme moral radical (interdiction du mariage, abstention de viande et de vin) fondé sur une condamnation de la matière et du corps considérés comme les œuvres d'un démiurge distinct du Dieu suprême. Tatien, d'abord disciple de Justin, à Rome, est traditionnellement tenu pour le fondateur, vers 170, de cette secte ascétique des encratites, probablement dans la région d'Édesse. L'encratisme fut alors proscrit sous ses diverses formes par de nombreux décrets de Théodose Ier, à la fin du ive siècle, et de Théodose II, en 428.
La sévérité des mesures impériales suffirait à témoigner de l'importance de la secte à cette époque. L'encratisme s'est alors confondu avec le manichéisme et a trouvé des prolongements chez les messaliens et les bogomiles. Le rigorisme que pratiquaient ses adeptes se voulait une négation de l'œuvre du démiurge. Les fondements doctrinaux de la secte consistaient dans le rejet de certaines parties des Écritures, en particulier de l'Ancien Testament, et dans un recours à des textes de la littérature apocryphe présentant des tendances ascétiques très marquées. Certaines positions doctrinales et liturgiques découlaient généralement de la conception encratiste de la création et de la matière : négation du salut d'Adam (Tatien), négation de la résurrection de la chair, docétisme en christologie, utilisation d'eau à la place du vin pour célébrer l'eucharistie. La ligne de démarcation entre l'encratisme et le gnosticisme est difficile à tracer : ce dernier est dans une large mesure marqué par un courant rigoriste, et l'encratisme semble avoir accueilli des spéculations d'origine gnostique.
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Écrit par
- Richard GOULET : docteur de troisième cycle, chargé de recherche au C.N.R.S.
Classification
Autres références
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GNOSTICISME
- Écrit par Pierre HADOT et Michel TARDIEU
- 10 625 mots
...réaction des érudits, depuis l'époque de Woide (1778) jusqu'à nos jours, a été d'apposer des noms à ces anonymes, dès lors devenus docètes, valentiniens, encratites, séthiens, enthousiastes, judéo-chrétiens... Mais travailler avec des tics d'hérésiologues n'aboutit au mieux qu'à des classifications, certainement... -
TATIEN, grec TATIANOS (120 env.-apr. 173)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 355 mots
Disciple de Justin, apologiste établi à Rome au iie siècle, Tatien se convertit au christianisme et devient à son tour apologiste de la religion chrétienne. Il rejette les auteurs grecs classiques et leurs valeurs morales, qu'il juge dépravées, et dénonce leur intellectualisme, auquel il préfère la...