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VERITATIS SPLENDOR ENCYCLIQUE (1993)

Littéralement, les encycliques (ou, en termes plus classiques, les « lettres encycliques ») sont des lettres circulaires, publiques, du pape à l'épiscopat du monde entier, à un épiscopat particulier, ou même — plus récemment — à un auditoire plus large, prêtres et fidèles. Elles se distinguent ainsi des lettres personnelles, privées, que la chancellerie pontificale appelait brefs.

C'est un genre littéraire récent (la première date de 1740, par Benoît XIV), mais qui s'est rapidement développé depuis Léon XIII (pape de 1878 à 1903). On en comptait deux cent soixante-dix-huit à l'avènement de Paul VI en 1963, et on approche aujourd'hui des trois cents. Le genre lui-même a évolué : les premières étaient circonstancielles (programme du pape nouvellement élu, exhortation aux évêques, condamnation de l'usure, des sociétés secrètes, de la Constitution civile du clergé en France) ; au xixe siècle, elles ont pris une tournure « protestataire » contre la situation faite à l'Église catholique par et dans la société moderne. Depuis Léon XIII, elles sont devenues, pour la papauté, une voie privilégiée de son « magistère ordinaire et universel », une permanente actualisation de la doctrine catholique.

En 1891, Rerum novarum, « sur la condition des ouvriers », avait été la première encyclique sociale, dont Centesimus annus de Jean-Paul II célébra le centenaire en 1991 (unique document romain commémoré de dix ans en dix ans). En 1993, Veritatis splendor (Splendeur de la vérité), dixième encyclique du même Jean-Paul II, offre la particularité d'être la première consacrée à « l'enseignement moral de l'Église ». Aucune, sans doute, depuis Quanta cura et le Syllabus qui l'accompagnait (1864), n'a suscité autant de réactions négatives, avant même sa parution, à la fois dans et hors de l'Église romaine.

Signées du pape, qui leur apporte la dernière main, préparées selon ses instructions, les grandes encycliques contemporaines apparaissent comme le fruit d'une élaboration de plus en plus complexe : d'un étroit cercle romain à des théologiens dispersés dans le monde entier. L'édition critique de l'histoire de la rédaction de Rerum novarum (1957 et 1991, 2 vol.), la seule à ce jour, permet de s'en faire une idée.

Veritatis splendor confirme cette tendance. Annoncée par Jean-Paul II le 1er août 1987 — à l'occasion du deuxième centenaire de la mort de saint Alphonse de Liguori, le théologien moraliste qui symbolise la lutte contre le rigorisme —, elle aura demandé six années de travail et plusieurs rédactions. Au cours de ce travail, elle avait démesurément grossi. Une version réduite en trois parties et soixante-douze numéros, donnée comme définitive, tomba en septembre 1993 dans les mains de la presse : en France, la revue Golias publia son texte français et lui consacra un dossier très critique. En fait, cette version était déjà dépassée (c'est ce qui s'était déjà produit avec Centesimus annus). Le texte définitif, daté du 6 août 1993, était rendu public le 5 octobre : en trois parties, les mêmes, mais en cent vingt numéros, et avec une conclusion entièrement due à Jean-Paul II lui-même.

Le pape s'adresse à ses « frères dans l'épiscopat », qui ont tous été consultés, et à eux seuls. Il ne s'adresse pas directement aux théologiens moralistes, dont seuls ceux qu'il savait proches de sa pensée ont été associés à la préparation. Il a donné à son encyclique un objectif bien centré et étroitement délimité : rappeler l'enseignement traditionnel de l'Église catholique sur des points aujourd'hui disputés ou contestés. Ce n'est donc pas un traité complet de théologie morale : délibérément, il ne fait pas le tour de toutes les questions, et il renvoie pour cela au grand [...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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