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ENCYCLOPÉDIE (D. Diderot et J. Le Rond d'Alembert) Fiche de lecture

Le projet et les problèmes

« L'ouvrage que nous commençons (et que nous désirons de finir) a deux objets : comme Encyclopédie, il doit exposer, autant qu'il est possible, l'ordre et l'enchaînement des connaissances humaines ; comme Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, il doit contenir sur chaque science et sur chaque art, soit libéral, soit mécanique, des principes généraux qui en sont la base, et les détails les plus essentiels qui en font le corps et la substance. » (Discours préliminaire de d'Alembert). Faire un bilan des connaissances, relier les sciences entre elles. Le projet est clairement défini dès l'origine. Diderot y ajoute la part faite aux techniques et aux métiers. Mais ce panorama vise aussi à dresser les « efforts de l'esprit humain ». Il n'est pas de savoir sans référence à la philosophie, qui exalte ici l'esprit des Lumières et se veut l'illustration d'une histoire des progrès de l'esprit humain en lutte contre l'ignorance. L'ouvrage est de consultation (d'où son didactisme, son ordre alphabétique, le rôle donné aux planches) et, discrètement, de militantisme philosophique par le jeu des renvois ou, plus brutalement, par des articles qui dénoncent et prennent parti, comme l'article « Prêtres » que rédige d'Holbach.

Le temps et les poursuites dont elle fut victime aidant, on a interprété l'Encyclopédie comme un ouvrage éminemment subversif, incrédule et parfois athée. On a pris pour argent comptant les dénonciations de ses adversaires, et oublié les contraintes de lecture qu'il imposait. Son format in-folio et la durée de sa publication étalée sur plus de vingt ans, sa lecture de consultation, souvent strictement technique, rendaient peu efficace le système de renvois qui tourne court : il arrive qu'un renvoi annoncé n'existe pas. Il faut admettre que l'Encyclopédie est justiciable de diverses lectures : philosophiques, de consultation, de recours technique, de braconnage. Et toutes fondamentalement discontinues. On imagine mal aujourd'hui sa lecture de A à Z. Politiquement aussi, comme le prouvent les articles « Peuple » ou « Autorité », l'Encyclopédie demeure prudente.

On a vu en elle, à la lumière d'une interprétation marxiste du xviiie siècle, une prise de possession triomphale du monde par une bourgeoisie en pleine ascension. Une telle vision n'est plus guère acceptée. L'Encyclopédie apparaît comme partagée entre l'orgueil intellectuel de classer, nommer, unifier et décrire, et la volonté de préserver les savoirs acquis d'une éventuelle destruction du monde civilisé, ainsi que l'affirme l'article « Encyclopédie » lui-même.

— Jean Marie GOULEMOT

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université de Tours, Institut universitaire de France

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Média

<em>Encyclopédie </em>de Diderot et d’Alembert - crédits : AKG-Images

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert