ENCYCLOPÉDIE FRANÇAISE
Formule originale de présentation du savoir, l'Encyclopédie française est née dans le Paris des années 1930. C'est en juillet 1932 que le ministre de l'Éducation nationale, Anatole de Monzie, stimulé par les réalisations étrangères (notamment les encyclopédies italiennes et soviétique), décide la création d'une nouvelle encyclopédie. Rien dans les projets initiaux ne semble distinguer celle-ci de ses aînées : ordre alphabétique, classification générale des sciences, scientisme diffus paraissent les seuls remèdes à la dispersion des esprits. Mais l'historien Lucien Febvre donne au projet un souffle nouveau et son originalité. Miroir du monde, l'Encyclopédie française devra exprimer la modernité dans toute sa complexité sans puiser d'illusoires certitudes dans des solutions anciennes. De là un plan singulier : ni alphabétique, ni subordonné à une classification des sciences, ni même thématique, mais un plan problématique. Autre ambition de taille : l'Encyclopédie veut résister à l'érosion du temps grâce à un système de feuillets mobiles permettant des mises à jour perpétuelles.
De 1935 à 1939, le plan se modifie, mais l'esprit reste ; car, fidèle à l'étymologie, l'Encyclopédie se veut « tour d'horizon » et s'attache moins à l'ordre de succession des volumes qu'à leur circularité. Au centre, l'homme pose des problèmes. Aucune discipline constituée n'a de place en tant que telle : les différentes approches se croisent, se recoupent au gré du questionnement de l'encyclopédiste. À l'ordre unifié du savoir ou au tableau des connaissances disparates est substitué un réseau que dessine, en sa multiplicité mouvante, la civilisation. Au fil des volumes, on retrouve les questions de l'entre-deux-guerres en crise : quelle part pour la pensée ou pour l'action ? comment l'homme se situera-t-il face à la civilisation mécanicienne qui s'annonce ? qu'en est-il du collectif, de ses lois et de ses fonctions ? comment, dans le champ de la connaissance, établir une synthèse malgré la spécialisation et la croissance vertigineuse des savoirs ? quel statut donner au réel ? Et, parcourant tout le réseau encyclopédique, cette interrogation majeure : quel principe d'unité trouver face aux divisions et aux conflits ?
Pour réaliser cet ambitieux projet, le président, Anatole de Monzie, et le directeur, Lucien Febvre, ont choisi leurs collaborateurs parmi les hommes les plus brillants ou les plus compétents de l'époque : Charles Maurras et Léon Blum (t. X) ou Jacques Lacan et Henri Piéron (t. VIII). En 1939, malgré des crises chroniques, l'Encyclopédie française est parvenue à une situation financière relativement stable (5 000 souscripteurs). Elle a un bon succès d'estime, mais perd son pari sur le temps, car, sur les vingt et un prévus, seuls onze volumes ont vu le jour au moment de la déclaration de guerre (t. I : L'Outillage mental, directeurs A. Rey, A. Meillet et P. Montel, 1937 ; t. IV : La Vie, dir. A. Mayer, 1937 ; t. V : Les Êtres vivants, dir. P. Lemoine, R. Jeannel, P. Allorgue, 1937 ; t. VI : L'Être humain, dir. R. Leriche, 1936 ; t. VII : L'Espèce humaine, dir. P. Rivet et P. Lester ; t. VIII : La Vie mentale, dir. H. Wallon, 1938 ; t. X : L'État, dir. A. de Monzie, P. Tissier, H. Puget, 1935 ; t. XV : Éducation et instruction, dir. C. Bouglé, 1939 ; t. XVI et XVII : Arts et littératures, dir. P. Abraham, 1936 ; t. XVIII : La Civilisation écrite, dir. J. Cain, 1939). L'Occupation interrompt la parution et rend manifestes les clivages entre Lucien Febvre et Anatole de Monzie.
Après la guerre, ce dernier meurt après un long et pénible procès. Lucien Febvre, de son côté, semble moins convaincu de l'opportunité de l'entreprise,[...]
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Écrit par
- Sophie L. POIROT-DELPECH : D.E.A. d'histoire
Classification
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...essentiel de Lucien Febvre est aujourd’hui largement sous-estimé. En 1932, Anatole de Monzie, ministre de l’Éducation nationale, lui confie la direction de l’Encyclopédie française dont il fera son « entreprise », au point d’y sacrifier la direction des Annales et la conduite de son œuvre personnelle....