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ÉNERGIE Les ressources

Les filières énergétiques et les espaces concurrentiels

Toute réflexion sur l'économie de l'énergie doit être conduite en termes de besoins. La production, la distribution et la consommation d'énergie n'ont en effet de sens que par rapport à la satisfaction d'un besoin. Ces besoins peuvent être classés en trois grandes catégories : besoins de chaleur (pour le chauffage des locaux et pour l'industrie), besoins de force motrice, besoins d'électricité spécifique (pour l'éclairage, l'équipement électrique et électronique).

En abordant le problème sous cet angle, on peut représenter le secteur de l'énergie, du point de vue technico-économique, comme une série de filières technologiques en concurrence les unes avec les autres. Partant de la matière première (énergie primaire) pour aller jusqu'à la satisfaction du besoin final (chaleur, force motrice, éclairage), chaque filière se présente comme un ensemble d'activités articulées entre elles en termes de coûts, de marchés et de technologies. Pour satisfaire un besoin donné, il existe une multitude de filières possibles faisant appel à un grand nombre de techniques différentes.

Prenons par exemple le cas de l'automobile. Une voiture peut fonctionner avec de l'essence, du gazole, de l'alcool (de canne à sucre, de topinambour...), du charbon de bois (gazogène utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale), du gaz de pétrole (butane, propane), du gaz naturel, de l'hydrogène, de l'électricité. À partir de ce besoin spécifique, on peut donc remonter à chacune des sources d'énergie physiquement disponibles. Des substitutions sont possibles, mais elles ne sont pas immédiates et elles ont un coût.

L'analyse de filière permet d'éclairer des choix stratégiques : de grandes firmes pétrolières, verticalement intégrées, ont choisi de maîtriser toutes les étapes de la filière pétrole, depuis l'exploration jusqu'à la distribution. Certaines ont poussé l'intégration en aval jusqu'à la fabrication des bases pétrochimiques ou même jusqu'à la chimie fine. À chacune des étapes de la filière se posent des problèmes d'investissement, de choix stratégiques (faire soi-même ou faire appel à des contractants), de marchés (raffiner soi-même ou bien acheter des produits, revendre du brut, etc.), de prix, d'innovation, de différenciation en attachant à un produit donné (les lubrifiants par exemple) une marque, une couleur, une notoriété.

L'analyse de filière peut aussi se conduire d'aval en amont. Partant du marché final, on peut comparer à court, à moyen ou à long terme la compétitivité de chaque filière. Dans l'industrie du ciment, par exemple, où la composante énergie peut représenter plus de 30 p. 100 du coût de fabrication, on est amené à comparer en permanence les coûts respectifs des thermies gaz, charbon, fioul et même déchets industriels. De nombreuses cimenteries sont maintenant équipées de chaudières bi- ou triénergie permettant de passer quasi instantanément d'une source d'énergie à une autre en fonction des prix du marché.

Cette comparaison interfilière est à la base ce qu'on appelle le calcul de netback : un industriel n'achètera des thermies pétrole que si leur prix est intéressant par rapport à celui des énergies concurrentes. Partant de ce prix de marché, à un moment donné, un raffineur peut soustraire les différents coûts qu'il supporte : coûts de distribution, de raffinage, de stockage, de transport du pétrole brut jusqu'à la raffinerie. Ce calcul lui permet de déterminer le prix maximal qu'il est disposé à payer au vendeur de pétrole brut, de façon que les produits pétroliers soient compétitifs sur le marché final.

L'analyse de filière permet ainsi de décomposer la concurrence inter-énergétique[...]

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Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-IX-Dauphine, directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières
  • : ancien directeur de la recherche et directeur scientifique adjoint de l'Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie (ADEME)
  • : directeur de la prospective, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)
  • : chef du service économie, Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

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Média

Raffinerie Shell - crédits : Evans/ Hulton Archive/ Getty Images

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