THERMONUCLÉAIRE ÉNERGIE
La fusion par confinement inertiel
La découverte du pompage optique par Alfred Kastler et Jean Brossel en 1950 suivie de celle du laser par Theodore H. Maiman, Arthur L. Schawlow et Charles H. Townes en 1960 donnèrent naissance à la fusion par confinement inertiel. Bien qu'ayant débuté une dizaine d'années après le confinement magnétique, cette approche, utilisant un plasma très dense confiné pendant un temps bref, atteint aujourd'hui des performances telles qu'elle est considérée comme une seconde voie possible de la fusion thermonucléaire contrôlée.
Principe de la fusion par confinement inertiel
Le rayonnement du laser éclaire uniformément une très petite sphère de l'ordre du milligramme d'un mélange équimolaire de deutérium et de tritium (DT) à l'état solide (fig. 9). Il en résulte une ablation progressive de la périphérie de la sphère et la formation d'une couronne de plasma qui absorbe le rayonnement jusqu'à sa densité de coupure, densité pour laquelle pulsation du rayonnement laser et pulsation électronique du plasma sont égales. Cette couronne se détend vers l'extérieur et exerce, par réaction, une poussée centripète qui comprime et chauffe la partie centrale dense de la sphère de DT, qui n'a pas été atteinte par le laser et qu'on appelle « cœur ».
Soumis à cette poussée centripète ou « implosion », le cœur est comprimé jusqu'à des densités de mille à dix mille fois celle du DT solide et porté à des températures de l'ordre de 10 kiloélectronvolts, densités et températures qui donnent lieu à un grand nombre de réactions de fusion des noyaux de deutérium et de tritium (ou deutons et tritons) : le cœur s'enflamme et « brûle » pendant un laps de temps bref voisin de 100 picosecondes (ps), sa cohésion étant maintenue par inertie, puis explose sous l'effet de l'énergie thermonucléaire libérée. D'où le nom de fusion par confinement inertiel donné à cette seconde voie d'approche d'un futur réacteur à fusion.
Pour qu'une telle voie aboutisse, il faut, d'une part, libérer plus d'énergie (fig. 10) que celle qui est fournie pour enflammer le DT et, d'autre part, que les transformations successives d'énergie conduisent à un bilan positif, avec les conditions et les limites suivantes :
– fraction fE de l'énergie électrique produite EE qui alimente le laser ne devant pas dépasser environ le quart pour que l'exploitation du réacteur à fusion soit rentable ;
– énergie laser EL fournie avec un rendement ηL qui pourrait avoisiner les 10 p. 100 avec les données technologiques actuelles ;
– gain G de la cible en DT, rapport de l'énergie de fusion libérée EF et de l'énergie laser EL nécessaire à son implosion ;
– production d'électricité à partir de l'énergie de fusion EF, se retrouvant sous forme de chaleur, au moyen de turbo-générateurs avec un rendement ηT au mieux de 40 p. 100.
Le bilan de la boucle d'énergie de la figure 10 s'écrit :
soit la nécessité d'un gain G de 100 et plus pour les valeurs de fE, ηL et ηT indiquées ci-dessus.Parvenir à un gain de 100 en irradiant directement une petite sphère de DT apparaît difficile (cf. supra, la réaction nucléaire 21D + 31T, in La fusion thermonucléaire : la maîtrise de la fusion sur Terre). En effet, l'énergie spécifique εF libérée par la fusion des deutons et tritons dans l'hypothèse d'une combustion totale est de :
L'énergie interne spécifique εI nécessaire pour porter le DT à l'état de plasma à la température T, prise par exemple égale à 10 kiloélectronvolts, est de :avec k, la constante de Boltzmann, et —m, la masse moyenne des deutons et tritons. Leur rapport εF/ε1 de 280 pour la température choisie donne l'ordre[...]La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Robert DAUTRAY : membre de l'Académie des sciences
- Pascal GARIN : directeur adjoint de l'Agence I.T.E.R. France
- Michel GRÉGOIRE : adjoint au chef du service de physique des plasmas de fusion du département de recherche sur la fusion contrôlée
- Guy LAVAL : auteur
- Jean-Paul WATTEAU : conseiller scientifique au Commissariat à l'énergie atomique
- Joseph WEISSE : auteur
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