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ENFANCE (Les connaissances) Approche historique de l'enfance

La démographie historique

Cette discipline est une base essentielle pour tous les travaux historiques sur l'enfance. Elle a d'abord permis de quantifier l'énorme mortalité infantile d'autrefois : sur quatre enfants qui naissaient en moyenne dans chaque famille française au xviiie siècle, l'un mourait avant un an, un autre avant dix ans et deux seulement parvenaient à l'âge adulte, assurant tout juste le remplacement des générations. L'époque de la petite enfance, dans les siècles passés, est marquée au sceau du tragique : il naît beaucoup d'enfants, il en meurt beaucoup. Les sentiments des adultes face à ces naissances et ces décès répétés ne peuvent être les mêmes que dans nos sociétés parcimonieuses qui engendrent et perdent peu d'enfants. Une évolution se dessine cependant à partir de 1750 : la mortalité infantile (avant un an) baisse de façon lente et irrégulière (de 350 pour 1 000 dans les années 1690-1719, elle passe à 263 pour 1 000 dans les années 1750-1779) ; en même temps, dans les milieux dirigeants, on commence à pratiquer la contraception et les taux de fécondité baissent. Ces deux phénomènes sont contemporains de la grande mutation du sentiment de l'enfance au xviiie siècle qu'Ariès a étudiée. Ils s'accentuent au xixe siècle : la contraception gagne tous les milieux sociaux et la mortalité infantile baisse, irrégulièrement d'abord, avec les effets de la vaccination antivariolique (découverte par Jenner en 1796), puis très fortement après 1880, avec la diffusion des autres vaccins et de l'hygiène pastorienne (en 1913, le taux de mortalité infantile est descendu à 126 pour 1 000). L'explication de cette concomitance n'est pas simple : est-ce parce que les enfants mouraient moins que les parents ont décidé d'en procréer moins ? Ou est-ce parce qu'ils naissaient moins nombreux qu'on était plus attentif à leur survie ?

L'histoire de la médecine

L'histoire de la théorie et de la pratique médicale peut apporter une première réponse : les médecins, depuis l'Antiquité, ont beaucoup écrit sur la santé et l'élevage des petits. Ces textes sont d'une grande stabilité : jusqu'à la fin du xixe siècle, ils restent fondés sur la vieille théorie des humeurs de Galien qui voit dans la maladie un déséquilibre des quatre fluides qui composent le corps humain. Les thérapeutiques proposées consistent presque uniquement à faire sortir les humeurs viciées, à l'aide de vomitifs, purgatifs et diurétiques, souvent bien violents pour les petits corps affaiblis. La médecine du xviiie siècle ajoute à cet arsenal quelques produits nouveaux, comme les pommades au « vitriol blanc » (sulfate de zinc) pour guérir les plaies et les maladies de peau, l'ipécacuana contre les diarrhées, ou le quinquina (et plus tard la quinine) contre les fièvres. Au xixe siècle, on utilise beaucoup le camphre, en raison de ses propriétés désinfectantes. Au total, cependant, les médecins sont bien désarmés devant les maladies infantiles, et ce ne sont pas les progrès de la médecine qui peuvent expliquer la baisse de la mortalité infantile dès le xviiie siècle. Pourtant, si les remèdes proposés sont en général peu efficaces, les sources médicales nous renseignent précisément sur la manière dont la maladie est vécue par l'entourage de l'enfant et sur les symptômes des maladies les plus courantes : troubles dus à la poussée des dents et aux vers, dartres, eczémas, convulsions, diarrhées estivales, maladies pulmonaires hivernales, toutes souvent plus graves autrefois qu'aujourd'hui. Mais ce sont les maladies épidémiques qui fauchent le plus d'enfants : la rougeole et toutes les « fièvres pourpres », le typhus, la diphtérie ; seule la variole a pu être jugulée par la vaccination[...]

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