ENFANCE (Les connaissances) Enfant et psychanalyse
La parole de l'Autre
Ce serait un contresens de comprendre le discours qui se tient au cours d'une analyse comme un dialogue, c'est-à-dire comme une relation interpersonnelle qui se nouerait entre l'enfant et l'analyste considéré dans son individualité concrète et réelle. Les « effets de vérité », comme dit Lacan, ne proviennent pas d'explications verbales données par l'analyste, mais du « remaniement » du sujet, opéré par le fait que sa propre parole lui est rendue par le psychanalyste, cet Autre rencontré dans une cure. Il y a là une dialectique : c'est à travers le rôle attribué a priori au psychanalyste par l'enfant (persécuteur, bon objet, substitut de la mère, représentant de la loi, etc.) – rôle auquel répond évidemment l'inconscient du psychanalyste – qu'une parole vraie peut revenir à l'enfant. Cette parole, qui jusque-là était masquée, refoulée, « occultée », porte par exemple sur un savoir (Qu'est le sujet pour lui-même, garçon ou fille ? A-t-il ou non un pénis ? La mère elle-même a-t-elle un phallus, ce pénis symbolique ? Risque-t-on de perdre son pénis, d'être soumis à l'épreuve de la castration ? Le père, qui a le phallus, est-il dangereux, quant aux risques de castration ? Que fait-il avec la mère quand l'enfant écoute les bruits de la chambre ? Comment naissent les enfants ? Qu'est-ce que c'est que mourir ?). Par tout cela, l'enfant cherche à se repérer dans la situation où il se trouve au sein de la famille et par rapport aux problèmes fondamentaux de la loi du père et de la mort ; il désire ainsi construire sa personnalité sur la base des grandes significations sexuelles et funèbres de la vie ; en même temps, il cherche à se faire reconnaître par l'Autre comme sujet (sujet du désir) et non plus comme objet (objet partiel, objet de soins). Le rôle du psychanalyste est précisément de permettre à l'enfant, par son « écoute » attentive à ce qui se dit dans les symptômes, de retrouver sa propre parole, sa propre reconnaissance par l'Autre.
Le transfert, condition d'efficacité de toute cure, n'est donc pas, on le voit, la simple substitution du médecin au parent, ni une relation personnelle et dialoguée. C'est plutôt l'insertion du psychanalyste par le sujet dans le discours peu à peu manifesté, et qui est le discours de l'inconscient. À préciser ce discours, on connaîtra mieux ce qu'est une névrose, mais surtout, à travers elle, ce qu'est un enfant concret, et ce qu'est souvent son drame.
Le discours parental et la parole de l'analyste
Ce qui passe du non-dit au dit, c'est la parole, dialectiquement reliée, de la mère, de l'enfant, du père et du psychanalyste. Plus particulièrement, ce qui est en jeu dans le symptôme, c'est la parole collective des parents et de l'enfant, en tant que cette parole concerne le désir de chacun par rapport aux autres, ou de la place que chacun s'attribue, se reconnaît ou dont il s'autorise par rapport à son propre désir.
Dans la conduite de l'enfant, son comportement, ses symptômes (phobies d'animaux, troubles ou lésions somatiques, phénomènes hystériques, rites répétitifs ou compulsifs obsessionnels ou, avec moins de précision dans le vocabulaire, « retards scolaires », troubles du caractère, fugues, mutilations, etc.), le discours de l'inconscient est directement manifesté ; il est, dans la plupart des cas, l'écho de l'inconscient des parents et notamment de l'inconscient de la mère. Ce qui parle, chez un enfant, ce n'est pas la conscience mais l'inconscient, et ce n'est même pas seulement son inconscient propre, c'est l'inconscient d'un autre, voire de plusieurs autres.
Ce qui donc se dégage au cours d'une cure, c'est[...]
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Écrit par
- Colette MISRAHI : psychanalyste
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