ENFANCE (Les connaissances) Enfant et psychanalyse
Le réel, l'imaginaire et le symbolique
Il est maintenant possible d'en venir à quelques considérations plus générales sur l'enfant comme tel. Dans la névrose, pas plus d'ailleurs que dans un comportement normal, l'enfant ne doit être conçu comme une entité isolée qui se développerait mécaniquement selon ses propres forces : on l'a vu, il est porteur du discours d'un Autre ; il est essentiellement et discours (parole exprimée ou occultée) et relation aux autres et à une société. Quels enseignements la psychanalyse peut-elle en tirer ? Tout d'abord que l'enfance ne se définit pas comme une succession de stades érotiques, mais comme l'histoire d'une personnalité ou d'un sujet se constituant dans et par le langage, qui est le lieu de son rapport à l'Autre et le champ du déploiement du désir. Il s'agit pour le jeune enfant de se repérer en se situant dans le champ du désir ; il est nécessaire, pour cela, que sa parole, sa question, sa quête soient écoutées par l'adulte et lui soient renvoyées, rendues, comme valorisation et reconnaissance.
Cette quête se déploie sur trois plans : le besoin, la demande, le désir. Le besoin est la pure donnée somatique et fonctionnelle, mais ce n'est pas lui qui est déterminant. La demande est l'appel que l'enfant, par sa faiblesse et sa non-maturation, est contraint d'adresser à l'adulte pour la satisfaction de ses besoins, pour son bien-être et sa survie. Manifestement, la sexualité n'est pas ici concernée, et la mère qui fait de son enfant un objet de soins répond précisément à une telle demande pour cacher un désir, ce désir auquel finalement l'enfant doit naître.
Il ne peut y parvenir qu'à plusieurs conditions. Il doit d'abord franchir le stade du miroir. Il faut qu'à l'âge de dix-huit mois soit reconnue et valorisée par l'adulte son image globale (dans un miroir) et non seulement des parties du corps (bouche à nourrir, organes à soigner). Ensuite, il importe que les repères symboliques lui soient fournis qui l'autorisent à se reconnaître, lui confèrent sa place de sujet du désir (mais, comme tiers dans le triangle familial, le père va être celui qui brise la relation duelle avec la mère) et lui permettent de vivre et de grandir.
Ces repères symboliques seront fondés essentiellement sur le prix et l'efficacité de l'idée de loi, portée et représentée par le père ayant un nom. Le père est, à la fois, celui qui représente la loi et la culture, et qui autorise ainsi l'enfant à vivre et à naître au désir, et celui qui élève l'enfant à l'ordre symbolique, l'arrachant à la mère et à l'ordre du besoin, pour l'introduire à l'ordre de l'universel. Mais, pour ce faire, l'enfant doit se reconnaître en son père et, en portant le nom du père, se voir autorisé à toutes les identifications qui construiront son désir et sa personnalité.
C'est naturellement par la médiation de la parole que se fait l'entrée dans cet ordre ouvert grâce au nom du père et de la loi. C'est là qu'intervient la fonction symbolique du père comme médiatrice de la relation duelle mère-enfant. Mais il est essentiel de procéder à une nouvelle distinction. Parallèlement à la trilogie besoin-demande-désir, il convient ici d'opposer réel, imaginaire et symbolique. Le réel est l'ensemble des événements objectifs et des relations affectives véritables qui unissent l'enfant et les adultes considérés dans leur personnalité particulière et concrète. À ce niveau se situent le dialogue, l'amour, la tendresse, la reconnaissance par l'autre, la structuration de la personnalité. Mais, pour que ce réel se constitue, il faut précisément que l'enfant échappe à l'imaginaire et qu'il accède au symbolique. L'imaginaire[...]
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Écrit par
- Colette MISRAHI : psychanalyste
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