ENFANCE (Les connaissances) La petite enfance
La vie « psychique » fœtale
Désormais, il n'est plus permis de penser que le fœtus passe les neuf mois de son existence intra-utérine dans un état « nirvanique » et qu'il n'accède qu'à la naissance à la vie psychique. Avec la plaque neurale, qui apparaît au dix-huitième jour de la gestation, l'embryon possède une ébauche de système nerveux et de cerveau. L'oreille interne du fœtus serait fonctionnelle dès le quatrième mois. Il remue ses membres et le tronc à partir de huit semaines, même si la mère ne le perçoit pas avant la seizième semaine, du fait de l'épaisseur de l'enveloppe amniotique. Les mouvements maternels brusques, de même que les contractions utérines, troublent son confort et le conduisent à chercher une nouvelle position. Il est sensible à la pression ou au toucher et réagit vivement à une piqûre intra-amniotique. Son goût, qui s'exerce dans l'absorption du liquide amniotique, est précocement développé. Une injection intraplacentaire de saccharine augmente sa déglutition, tandis que celle de lipiodol entraîne une expression de pleurs et des grimaces de la face. Le fœtus suce son pouce in utero, comme la radiographie permet parfois de le constater. On sait aussi, par l'enregistrement électro-encéphalographique, qu'il a une activité cérébrale cyclique, avec de courtes phases d'éveil. Un bruit soudain le fait tressaillir. Son oreille est soumise aux stimulations d'un fond sonore continu provenant à la fois du monde extérieur et de l'organisme maternel : borborygmes (l'intensité des stimuli peut alors atteindre 85 décibels) et battements rythmiques des grosses artères placentaires. Certains, tel l'obstétricien néo-zélandais A. W. Liley (1971), ont pu voir dans cette dernière stimulation l'origine du goût si marqué des humains, à travers les cultures, pour les rythmes musicaux, notamment les battements du tambour. Peut-être l'effet calmant du bercement ultérieur a-t-il la même origine ? Parmi les sons divers qui enveloppent le fœtus, il en est un qui prend rapidement une signification particulière, celui de la voix maternelle (et de sa « vocalité », qui importe plus que le contenu du dire). Chez le nouveau-né, la reconnaissance par l' audition précédera la reconnaissance visuelle. Les travaux de J. Mehler (1978) ont montré que, à l'âge de cinq jours, un nourrisson suce davantage son pouce lorsqu'il entend la voix maternelle que lorsqu'il entend une autre voix (ce qui correspond aux conclusions de l'éthologie concernant l'empreinte sonore chez l'animal). On estime, par ailleurs, qu'une ébauche de mémorisation permettant un certain conditionnement serait possible dès la vie prénatale. On s'est interrogé sur la transmission par la mère de ses propres émotions au fœtus. Comme on peut constater chez lui, lorsque celle-ci passe par des accès de colère ou des moments d'angoisse, de brusques variations du rythme cardiaque, on s'est demandé s'il s'agissait d'une simple transmission artérielle ou des effets de médiateurs chimiques tels que les catécholamines. Dans cette dernière hypothèse, on pourrait supposer que le fœtus éprouve des états voisins de ceux de sa mère ou du moins une forme de malaise ou de bien-être diffus en relation avec les émotions de celle-ci. Par là s'explique peut-être l'importance qu'on attache dans certaines cultures, notamment en Inde, à l'équilibre émotionnel de la femme enceinte (H. Stork, 1979). Il est sûr, en tout cas, que l'interaction entre la mère et l'enfant commence bien avant la naissance et que l'enfant vit déjà in utero ses premières expériences psychiques.
La future mère, si elle est sensible et prête affectivement à accueillir l'enfant, ajuste sa motricité et sa posture[...]
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Écrit par
- Hélène STORK : docteur en médecine, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur de psychologie clinique et anthropologique à l'université de Paris-IV-Sorbonne-René-Descartes
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