ENFANCE (Situation contemporaine) La maltraitance des enfants
Extension de la notion
En 1980, l'Association nationale des personnels de l'Aide sociale à l'enfance organise à Bordeaux un congrès sur le thème « des enfants de moins de six ans et l'Aide sociale à l'enfance : objets de soins et de mesures, ou personnes en devenir ? ». À l'initiative de René Clément, on n'y parle pas uniquement des signalements et des séparations du milieu familial. Pour la première fois, Françoise Dolto évoque une certaine « Boutique verte » – devenue peu de temps après la « Maison verte » – qui offre une conception nouvelle d'un lieu de rencontre et d'échanges entre adultes et enfants ; pour la première fois, Bernard This propose, à un auditoire encore incrédule, un autre accueil du nouveau-né ; pour la première fois on rend publics les principes essentiels sur lesquels doit reposer toute action de formation et de sensibilisation pour que des dépôts d'enfants deviennent des lieux et des projets de vie.
Il faut cependant encore attendre la décennie suivante – les années 1990 – pour qu'on intègre les parents des enfants maltraités à cette dynamique, et que la notion de partenariat ne soit pas vide de sens lorsqu'il s'agit de parents « maltraitants ». On découvre combien les dysfonctionnements du lien et de l'attachement pèsent sur les pratiques d'accompagnement et de suivi des enfants maltraités, tant à l'hôpital qu'au niveau de l'Aide sociale à l'enfance. Malgré les progrès constants réalisés dans la compréhension psychanalytique de la transmission transgénérationnelle des conduites maltraitantes et de la répétition inconsciente du malheur, nous ne savons pas toujours faire face à la problématique de cette « dysparentalité » (néologisme qui désigne toutes les formes de défaillance parentale). Or ces composantes psychopathologiques lourdes ne sont pas étrangères au découragement qui saisit parfois les équipes de terrain, ni à la déconsidération actuelle de la pédiatrie sociale dans le cursus hospitalo-universitaire.
En 1982, Paris accueille le IVe Congrès international de l'International Society for Prevention of Child Abuse and Neglect (I.S.P.C.A.N.). Pour la première fois dans ce type d'instance, on aborde la question des maltraitances institutionnelles dont certains enfants peuvent souffrir en toute impunité, car une partie des professionnels demeure insuffisamment sensibilisée ou soutenue, voire non formée. Les travaux fondateurs de René Spitz, de John Bowlby, de Jenny Aubry, et, plus récemment, de Myriam David et de Geneviève Appell sont en quelque sorte redécouverts. Peu de temps après, l'Organisation mondiale de la santé inclut officiellement, dans la notion de maltraitance, les négligences, les carences affectives et éducatives, reconnaissant par là les ravages qu'elles entraînent sur le développement de l'enfant à moyen et long terme.
Ainsi, à partir du milieu des années 1980, on ne peut plus réduire la maltraitance aux seuls sévices physiques avérés. La mise en avant de la prévention donne à la notion d'enfance en danger la place qui lui revient. Mais la tâche est immense et exige une mobilisation intense, à l'image de celle qui a été mise en œuvre depuis le début des années 1980. C'est, en 1982, que Pierre Straus publie le premier ouvrage en français qui évoque ouvertement le cas de l'enfant maltraité, et aborde les abus sexuels. En 1985 cependant, une première étude rétrospective portant sur une population de cent enfants hospitalisés, maltraités ou à risques, ne diagnostique ni même ne mentionne aucun abus sexuel ! Car les spécialistes ne pensaient pas à ce type de violences et n'avaient pas appris à les voir. On mesure le chemin parcouru depuis lors dans ce domaine. Mais ailleurs, des failles demeurent : on est toujours loin d'appréhender aujourd'hui dans toute son ampleur[...]
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Écrit par
- Danièle RAPOPORT : psychologue clinicienne, titulaire de l'Assistance publique, Hôpitaux de Paris
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