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ENFANTS SOLDATS

L'étude de la question des enfants soldats conduit souvent à minimiser la militarisation de l'enfance dans l'histoire. Cette erreur vient de la tendance médiatique actuelle, qui présente la participation des enfants aux conflits comme un phénomène inédit, et de l'absence de recherches sur les origines plus lointaines de ce phénomène. À divers moments de l'histoire, pourtant, les enfants ont été utilisés dans les guerres. Parmi les exemples historiques les plus cités, on trouve les Marie-Louise de la campagne de France, en 1814, et les jeunes enrégimentés dans le Volkssturm de l'Allemagne nazie, en 1944-1945. Ces épisodes ressassés ont induit l'idée que la militarisation de l'enfance serait un phénomène récent.

Or, depuis l'Antiquité, cette militarisation, sans systématiquement produire en masse des guerriers en bas âge, se nourrit de facteurs culturels, idéologiques, démographiques et/ou politiques. Les dispositions élaborées par le droit sont encore bien faibles pour combattre efficacement cette pratique, aujourd'hui plus présente que jamais.

Les sociétés et la guerre

La frontière entre enfant et adulte

Dans une conception fonctionnelle des âges de la vie, le rôle d'un individu dans la société est déterminé par sa force et son aptitude physiques. La notion d'enfance elle-même est alors définie de manière négative : l'enfant est un « non-adulte ». L'adulte, quant à lui, est celui qui peut physiquement défendre la société. C'est donc la capacité physique qui détermine l'âge de passage entre l'enfant et le citoyen adulte.

Il est de nombreuses cultures où l'armée n'existe pas en tant qu'organisation spécialisée et hiérarchisée distincte de la société : tout individu libre, mâle et valide a été formé pour être un guerrier. C'était le cas dans les sociétés nomades des Scythes, des Parthes, des Mongols ou des Turcs, où tout individu était considéré comme un soldat dès qu'il savait monter à cheval et tirer à l'arc. De même, dès leur plus jeune âge, les Vikings étaient entraînés au maniement des armes.

Dans la cité grecque, l'assemblée des citoyens et celle des soldats se confondaient. C'est parce qu'il était citoyen que le politès athénien était aussi soldat. À Sparte, le rôle des citoyens était essentiellement de faire la guerre. Dans ce but, ils recevaient dès l'âge de six ans une éducation particulière, l'agogé, qui était avant tout une préparation au combat, un entraînement militaire. Dans ces sociétés, les transgressions de la frontière enfant-adulte sont permises par l'héroïsation, ce qui est plus difficile dans une société qui fait de la guerre un art ou un métier réservé à un groupe spécialisé (chevaliers, samouraïs, armées de métier).

L'enfant, symbole d'héroïsme

La militarisation de l'enfance commence ici sur un plan qui n'a rien de pratique. La figure de « l'enfant-héros » tire toute sa force de la valeur symbolique de l'enfance, indépendamment de toute utilité militaire directe. L'enfance représente, en effet, dans toutes les civilisations, l'innocence, la renaissance et la vie.

Les Romains considéraient l'âge de sept ans comme le passage de l'infantia à la pueritia. L'infans (littéralement, le « non-parlant »), en accédant à la parole rationnelle et intelligible, devenait puer. L'étymologie traditionnelle (et erronée), en faisant dériver ce terme de purus (« pur »), assignait à l'enfance le temps de la pureté, liée au sacré, au monde des dieux. Défini négativement par sa faiblesse physique et morale et son incapacité civique et militaire, l'enfant l'était positivement par sa pureté. À Rome, vers 200 avant J.-C., est ainsi érigée sur le Capitole une statue équestre[...]

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Écrit par

  • : chargée de programmes, Bureau de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés

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