ENFANTS SOLDATS
Situation contemporaine
Multiplication et aggravation du phénomène
La seconde moitié du xxe siècle a vu une évolution dans l'utilisation des enfants dans les forces et groupes armés. Ce changement est d'abord quantitatif : la proportion des enfants dans le groupe des combattants est plus élevée qu'elle ne l'a jamais été, et on estime qu'ils forment entre 30 et 50 p. 100 de l'effectif total de nombreux groupes armés en Afrique ou en Asie. Le changement est également qualitatif : d'auxiliaires, les enfants sont devenus combattants, parfois acharnés, qui effraient les populations et les armées régulières plus encore que des soldats adultes. Drogués, endoctrinés et inconscients du danger, leur perception des notions de Bien et de Mal est biaisée et les pousse à commettre des atrocités qui ont marqué l'histoire récente. Les enfants enrôlés par les Khmers rouges au Cambodge (1975-1979), par la Lord's Resistance Army en Ouganda (depuis 1988), par le Revolutionary United Front en Sierra Leone (1991-2002), ou par les milices Ninjas, Cobras ou Cocoyes en république du Congo (1997-2003)... sont quelques exemples dramatiques de cette évolution de l'utilisation des enfants dans les conflits. Un autre changement significatif est la participation croissante des filles aux combats. À la fois « épouses », « esclaves sexuelles » et combattantes, les filles soldats seront d'autant plus stigmatisées quand elles tenteront de retourner dans leurs familles et communautés.
Au xxie siècle, les « nouveaux conflits » – guerres à la fois infra-étatiques (guérillas, guerres civiles, guerres ethniques) et urbaines – sont de nature à favoriser l'utilisation des enfants. Les enfants continuent à être utilisés comme espions, messagers et porteurs, mais leur emploi au combat s'est intensifié. La prolifération des armes légères et de petit calibre joue un rôle prédominant dans cette évolution parce qu'elles sont parfaitement adaptées à l'enfant combattant par leur taille, leur poids et leur facilité de maniement. Un enfant de douze ans peut démonter et remonter un fusil d'assaut AK-47 (kalachnikov) ou un pistolet-mitrailleur Uzi en quelques secondes. L'utilisation des enfants à des fins terroristes est aussi de plus en plus fréquente dans les conflits qui déchirent le Moyen-Orient ou l'Asie. Ils sont devenus, contre leur gré le plus souvent, des poseurs de bombes ou des kamikazes parce qu'ils éveillent moins de soupçons que les adultes.
Instruments juridiques
Le droit international n'est pas resté silencieux sur la question des enfants soldats. Des efforts ont été entrepris pour relever l'âge minimal de recrutement et de participation directe aux hostilités, fixé à quinze ans par les protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève de 1949, puis par la Convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. On peut citer la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant du 11 juillet 1990, les Principes du Cap arrêtés le 30 avril 1997 sur la prévention du recrutement d'enfants dans les forces armées, la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants soldats en Afrique, enfin la convention 182 de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants, adoptée le 17 juin 1999.
Deux instruments plus récents sont à souligner. Le protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant, entré en vigueur en 2002, traite exclusivement de la participation des enfants aux conflits armés. Il aurait dû protéger les enfants contre tout recrutement, mais les tractations diplomatiques qui ont entouré son adoption l'ont affaibli. Ainsi, il fait une différence entre l'âge de recrutement minimal dans les groupes armés non étatiques (dix-huit ans) et les forces armées régulières (seize ans).[...]
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Écrit par
- Rosalie AZAR : chargée de programmes, Bureau de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés
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