ENFERS ET PARADIS
Sur les diverses représentations des Pays des Morts, de nombreux ouvrages ont été écrits, mais nous sommes encore loin d'avoir une bonne description de tous les « enfers », champs Élysées et îles des Bienheureux qui constituent la géographie funéraire de l'humanité. Il serait imprudent de réduire cette multiplicité de paysages à quelques types nettement déterminés, bien qu'on puisse distinguer un certain nombre de « motifs » dominants : demeures au ciel, dans la lune, au-delà de la mer, dans les montagnes, etc., et surtout sous la terre (les prétendus « enfers » qui, au moins dans les croyances des primitifs, ne sont pas toujours aussi terrifiants que le laisse entendre notre terminologie ; la plupart du temps, il s'agit seulement d'un « pays » comme les autres, que l'on imagine dans une région lointaine et souterraine). C'est là que les âmes désincarnées habitent, sous forme d'ombres, répliques appauvries des corps, ou déjà modifiées, sous forme de larves, d'animaux, de plantes même ou d'objets en apparence inanimés.
Cette postexistence ne se laisse point, elle non plus, ramener à un certain nombre de types : de l'activité la plus complexe à la torpeur pétrifiée, toutes sortes de « vies » sont accordées aux trépassés. Pour un grand nombre de populations primitives, il s'agit d'une répétition plus ou moins complète de la routine de l'existence terrestre ; d'autres fois, la survivance est plus « spirituelle » ou réduite à un symbole, à un signe.
Les représentations primitives
Chez les « primitifs », les représentations de l'autre monde sont d'une étonnante variété. Il y a, d'abord, la croyance que les morts continuent la même existence que les vivants, dans un paysage qui constitue une sorte de double de celui qu'ils habitaient sur la terre. Cette conception est assez commune en Afrique, mais elle se rencontre aussi ailleurs (chez les Indiens Hopi, en Birmanie, en Nouvelle-Guinée). Pour ne donner qu'un exemple, les Bassouto de la Zambie estiment que les morts retrouvent les villages, les vallées et les mêmes bois familiers, où ils vont poursuivre leur genre d'existence, chassant, festoyant, se querellant et se mariant comme avant.
Mais la croyance existe également que l'autre monde, tout en ressemblant à celui des vivants, lui est supérieur : là on ne connaît ni la faim, ni la souffrance, ni le travail : les morts restent jeunes et passent leur temps à danser. En Nouvelle-Guinée, les maisons, les jardins des morts sont plus riches que ceux des vivants : en Nouvelle-Calédonie, les fruits sont réputés meilleurs que ceux que produisent les arbres de notre terre. Certaines de ces croyances se rencontrent, on le verra, chez des peuples plus évolués, et elles se reconnaissent même dans les représentations des paradis bouddhique, orphique et chrétien.
Non moins commune, et universellement répandue, est la croyance en un autre monde lugubre, vrai séjour des ombres. Les morts survivent à peine dans une obscurité froide, peuplée de fantômes impuissants. Cette conception, attestée chez les primitifs, se retrouve dans l'ancien Proche-Orient et dans la Grèce antique. Dans son rêve, Enkidu, l'ami du fameux héros mésopotamien Gilgamesh, voit les morts dans les enfers :
La poussière est leur nourriture, la boue leur aliment. Comme les oiseaux ils sont revêtus de plumes, ils sont dans les ténèbres et ne reverront jamais plus la lumière.
Job parle lui aussi de la « région des ténèbres et de l'ombre épaisse, où règnent l'obscurité et le désordre, où la clarté même ressemble à la nuit sombre » (Job, x, 21-22). Entre l'Aralou babylonien et le Shéol hébraïque, il n'y a pas grande différence, et Homère ne concevait pas autrement l'Hadès. « Plutôt louer mes bras à un étranger,[...]
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Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
- Mircea ELIADE : professeur à l'université de Chicago
Classification
Médias
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