DOLLFUSS ENGELBERT (1892-1934)
Chancelier d'Autriche de 1932 à 1934. Le passage au pouvoir d'Engelbert Dollfuss marque un tournant décisif pour la première république autrichienne. Il accède au pouvoir au moment où la droite cherche un homme fort pour combler le vide laissé par la mort de Mgr Seipel. Après s'être distingué au front comme lieutenant de chasseurs, il milite dans les mouvements étudiants et demeure longtemps fonctionnaire du syndicat paysan de Basse-Autriche. En 1930 il est nommé président des Chemins de fer fédéraux et ce n'est qu'en 1931 que ce vieux militant du Parti chrétien-social accède à un poste ministériel, celui de l'Agriculture, dont il connaît bien les problèmes. L'année suivante, il devient chancelier et il est bien décidé à agir, car il ne veut ni d'une annexion à l'Allemagne ni d'un compromis avec les sociaux-démocrates qui tiennent « Vienne la Rouge ». Aussi commence-t-il par interdire toutes les organisations nazies en 1933. Il donne son appui au Front patriotique, ligue d'extrême droite, qui réclame la dissolution du Parti social-démocrate. Tous les observateurs s'attendent à la guerre civile : elle est de courte durée, mais laisse des traces profondes dans l'opinion. À la suite d'une perquisition de la police de Linz au siège du Parti social-démocrate, celui-ci appelle à la grève générale et fait armer sa propre milice, la Ligue de défense républicaine. L'insurrection éclate. La bataille entre les milices socialistes et les troupes gouvernementales dure du 11 au 13 février 1934 dans la banlieue de Vienne. Les militants doivent capituler. Ceux qui ne peuvent s'enfuir en Tchécoslovaquie sont jetés en prison. Ainsi Dollfuss réduit-il à la clandestinité un parti authentiquement démocratique, dont l'appui lui fera défaut par la suite. Il en profite pour imposer le 1er mai 1934 une Constitution du type corporatiste, prévoyant des élections « quand les circonstances le permettraient ». Le nom de république disparaît et le nouveau régime s'appuie sur les conservateurs, l'Église catholique et les masses rurales. Dans la pratique, le gouvernement ne dépasse jamais certaines limites : c'est la forme autrichienne, plutôt modérée, des régimes forts qui s'imposent alors partout en Europe.
On peut se demander si, face aux nazis autrichiens actifs et appuyés par Hitler, le chancelier Dollfuss ne remporte pas une victoire à la Pyrrhus, car le gouvernement chrétien-social, fort en apparence, est minoritaire dans le pays. C'est pourquoi Hitler et ses partisans autrichiens tentent le coup de force du 25 juillet 1934 qui devait leur livrer la chancellerie et leur permettre le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne. L'assassinat de Dollfuss indigne l'opinion occidentale, et celui-ci devient, après sa mort, très populaire en Europe. Sa mort sauve l'indépendance autrichienne pour quatre ans ; un nouveau chancelier chrétien-social, Schuschnigg, lui succède.
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Écrit par
- Jean BÉRENGER : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
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AUTRICHE
- Écrit par Roger BAUER , Jean BÉRENGER , Annie DELOBEZ , Encyclopædia Universalis , Christophe GAUCHON , Félix KREISSLER et Paul PASTEUR
- 34 125 mots
- 21 médias
...prononcent pour la mise en place d'un État autoritaire corporatiste, seul capable, selon eux, de mettre un terme à la crise morale et sociale. En Autriche, Engelbert Dollfuss porte cette idée. Menacé par les sociaux-démocrates d'un côté et par les nationaux-socialistes de l'autre à partir de 1932, le nouveau...